Le Québécois qui désobéit au gendarme américain

Publié le 20/06/2018 à 15:18

Le Québécois qui désobéit au gendarme américain

Publié le 20/06/2018 à 15:18

Il n'est pire sourd que ventre affamé, disait Boris Vian. Et ce n’est pas la Securities and Exchange Commission qui contredira le célèbre écrivain français.

La preuve, la SEC a dû récemment mettre les bouchées doubles pour couper l’appétit du vice à un entrepreneur québécois, selon un document légal que Les Affaires a pu consulter.

Le 15 juin dernier, le gendarme américain des marchés financiers a en effet obtenu une seconde ordonnance d'urgence pour (tenter de) geler complètement les actifs de Dominic Lacroix.

Pour mémoire, ce «créateur» de la cryptomonnaie PlexCoin est sous enquête aux États-Unis de violation de la loi fédérale sur les valeurs mobilières.

Par l’intermédiaire d’une ICO menée par son entreprise PlexCorps, ce résident québécois aurait amassé quelque 15 millions $US auprès de «dizaines de milliers d’investisseurs» qui souhaitaient acheter les tokens prétendus révolutionnaires.

Or, alors qu’un blocage de ses avoirs avait été imposé en décembre 2017, Dominic Lacroix a utilisé des «comptes secrets, notamment un au nom de son frère mais qu'il contrôlait», afin d’y dissimuler à des actifs numériques obtenus lors de la fameuse émission du PlexCoin, à des fins personnelles.

Trois jours avant la nouvelle année et ce jusqu'au mois de mai 2018, il échange des bitcoins, reçus dans le cadre de son ICO, contre des dollars pour régler des paiements de cartes de crédit et un versement à une connaissance, précise le document.

On parle ici d'un montant limité de 5200$ mais qui intervient très tôt après plusieurs décisions de justice, dont une condamnation à deux mois de prison au Québec.

Des transactions plus volumineuses, de près de 200 00$, atterriront encore sur le compte de la banque en ligne de son frère par la suite.

En mars 2018, par la même combine, une somme de 31 000$ servira à s'acquitter d'un contrat de location d'une Mercedes GLE. Puis quelques factures pour de l'ameublement de cuisine et de bureaux comptabiliseront encore des dizaines de milliers de dollars.

Simple et facile. Apparement.

L’opinion publique prête souvent à l’univers des jetons numériques tous les travers imaginables. Comme un marché noir 4.0 où règne une totale impunité.

«En fait, ce qui m’étonne c’est que la cryptomonnaie ne rend pas plus difficile l’application de la loi, nous explique Stephen Palley, avocat associé spécialisé en blockchain, du cabinet Anderson Kill de Washington. 

«La SEC a été capable de repérer la conversion de bitcoins en dollars, et de remonter l’historique des dépenses (des voitures et des meubles!), souligne Me Palley, ce n’est pas terriblement compliqué de remonter et geler l’argent. Et si quelqu’un contrevient aux ordonnances du tribunal, il encourt des  sanctions et amendes en conséquence logique».

Notons au passage que le gendarme américain a mené une procédure «ex parte», qui signifie dans le jargon juridique en l’absence d’une partie. Autrement dit, il n'a pas été notifié à l'homme d'affaires québécois que la SEC se penchait sur de nouveaux transferts de fonds liés à PlexCoin.

«Le fait que le défendeur soit au Canada peut créer un obstacle procédural plus grand, quasiment impossible à surmonter autrement», conclut l'avocat américain expert en cryptomonnaies, Stephen Palley.

 

 

 

 

À propos de ce blogue

Une nouvelle ruée vers l’or, numérique cette fois? Une arnaque, un piège sans fonds? Le débat s'est intensifié fin 2017 alors que la valeur des «monnaies virtuelles» a rapidement passé le cap des 200 milliards de dollars. De la blockchain aux kitties, en passant par le bitcoin, qui ne voudrait pas exploiter ces filons technologiques? Mine de rien est un blogue qui cherche les pépites de l’info dans le monde de la crypto.

François Remy