Hydro-Québec a introduit une demande auprès du «gendarme de l’énergie» pour appliquer un tarif dissuasif aux nouveaux projets de minage de cryptomonnaies. Établi provisoirement à 0,15 $ du kilowattheure (KWh), cela représente par rapport au tarif habituel une flambée de 200%. De quoi refroidir les ardeurs.
À lire de rares échanges sur les réseaux sociaux, cela ressemble à un clou de plus dans le cercueil des acteurs québécois.
«Les mineurs du Québec vivent la même chose qu’en Chine. Ce n’est pas encore officiel mais Hydro-Québec veut discriminer les entrepreneurs Bitcoin avec une hausse des prix faisant de la province le pire endroit au Canada pour établir un business émergent, une fois de plus», déplore Jonathan Bertrand, pionnier local à la tête de Technologies D-Central.
Le monopole de l’électricité québécois a adressé cette semaine une demande à la Régie de l’énergie afin d’approuver de façon urgente «un tarif dissuasif applicable à tout nouvel abonnement pour un usage cryptographique appliqué aux chaînes de blocs, de même qu’à toute substitution d’usage et accroissement de puissance».
Dans ces conditions de service provisoires que le régulateur doit mettre en œuvre, Hydro-Québec réclame que l’énergie soit alors facturée au prix de 15 cents par KWh pour toute nouvelle forme d’alimentation aux tarifs M et LG.
Autrement dit, toutes les entreprises ayant un abonnement existant, avec une puissance déjà installée, ou un projet en développement déjà confirmé continueront de bénéficier des tarifs normaux jusqu’à la fixation par la Régie des conditions définitives.
Un mal «nécessaire» pour contrôler la demande «dans l’intérêt public», soutient le distributeur d'électricité.
Par décision à être rendue d’ici le 16 juillet prochain, le gendarme de l’énergie doit également approuver le processus de sélection des projets de minage cryptographique en vue de l’attribution d’un bloc dédié de 500 MW pour une durée minimale de 5 ans, comme l’a suggéré dernièrement le ministre de l’Énergie Pierre Moreau en dévoilant une suspension officielle du traitement des demandes d’installations blockchain (lui valant depuis le surnom de «Monsieur Moratoire»).
Compte tenu de l’obligation de desservir les réseaux municipaux (Sherbrooke, Magog, etc.), Hydro-Québec requiert par ailleurs que leur consommation d’électricité soit «isolée et facturée distinctement non pas au LG» mais selon les conditions à fixer par la Régie. Et ce, en fonction de la catégorie d'utilisateur, à savoir le «tarif dissuasif» s’il ne s’agit pas d’un abonnement existant ou faisant partie du bloc dédié.
À terme, les tarifs québécois dédiés au mining devraient donc osciller entre 0,05 à 0,15 $ du KWh.
«Nous déposerons les détails à la Régie sous peu, mais nous souhaitons recevoir des propositions des joueurs du milieu quant au tarif et aux autres particularités de leurs projets», nous a affirmé le gestionnaire de communauté d’Hydro-Québec.
Qui sont ces «joueurs»: Bitmain (le géant du bitcoin qui courtisait récemment Hydro-Québec), Bitfury/Hut8, GMO Internet, Halong Mining?
«On parle de plus de 300 entreprises de toutes les grosseurs, mais on demandera à ceux-ci de faire leur proposition, donc on ne peut-être certains à ce stade-ci de qui le fera et qui ne le fera pas», a répondu Hydro-Québec.
Fidèle à l’analyse économique qu’a fourni le cabinet de consulting KPMG, la préférence des institutionnels québécois de l’énergie risque de revenir aux joueurs à la fois concepteurs de composantes, fournisseurs d’appareil de minage, mineurs et opérateurs de pools. Ça peut drastiquement réduire la liste des candidats, n’est-ce pas?
«Nous nous intéressons au Québec pour ouvrir notre première mine de crypto, mais à cause de l'incertitude tarifaire nous allons attendre», me confie un responsable canadien d’un gros joueur étranger, dérangé par cet indécrottable brouillard réglementaire.
Au prix évoqué de 15 sous, même si elle demeure provisoire, cette politique tarifaire pousse les mineurs à accuser des pertes, pouvant atteindre la dizaine de milliers de dollars par MW par mois.
C’est la recette magique pour n’attirer dans notre belle province que les meilleurs de la crypto, soutiennent les autorités québécoises depuis des mois maintenant.
L'avenir nous le dira... très bientôt.
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