Selon un récent sondage Léger, près d’un électeur montréalais sur deux souhaite voir du changement à l’hôtel de ville. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. À seulement cinq semaines du vote, la campagne électorale municipale vient de prendre un virage inattendu, à Montréal, alors qu’une troisième voie semble vouloir émerger.
C’est qu’en annonçant jeudi leur fusion en vue des élections du 7 novembre, deux «tiers partis» — Mouvement Montréal et Ralliement pour Montréal — ont choisi d’offrir une nouvelle alternative aux électeurs de la métropole.
Mettant leurs différends de côté — et ils sont nombreux, notamment en matière de langue et de gestion des finances publiques —, Balarama Holness et Marc-Antoine Desjardins ont eu la sagesse d’admettre qu’une division du vote du changement ne ferait que nuire aux chances de leurs formations respectives de faire des gains.
Revirement de situation majeur ou simple feu de paille ? Seul l’avenir saura nous le dire. Il faut néanmoins reconnaître qu’avec cette annonce, en fédérant sous une même bannière les forces vives d’opposition face aux deux «vieux partis», le jeune et charismatique chef de Mouvement Montréal, Balarama Holness, se positionne plus que jamais en leader rassembleur.
Alors que jusqu’à tout récemment, la plupart des observateurs s’attendaient à un simple match revanche entre Denis Coderre et Valérie Plante, une course à trois apparaît soudainement possible.
Désir de changement
Cette nouvelle option risque d’en intéresser plus d’un. Comme l’indiquait un récent sondage Léger, près d’un électeur montréalais sur deux souhaite voir du changement à l’hôtel de ville.
Or, avec chacun quatre années de pouvoir au compteur, ni Denis Coderre ni Valérie Plante ne peuvent prétendre incarner le renouveau dans cette campagne.
En somme: le changement a maintenant un visage et il s’appelle Balarama Holness.
Pour Valérie Plante comme pour Denis Coderre, si Mouvement Montréal poursuit sa progression dans les intentions de vote au cours des prochaines semaines, une division du vote entre trois candidats pourrait venir brouiller les cartes.
Une reprise du scénario de 2013 ?
Une telle situation ne serait pas sans rappeler l’élection municipale de 2013.
À l’époque, on s’en souviendra, une nouvelle venue sur la scène politique municipale avait fait sensation. Jusque-là inconnue du grand public montréalais, Mélanie Joly avait causé la surprise en s’emparant de la seconde place au fil d’arrivée, coiffant du même souffle de grosses pointures comme Richard Bergeron et feu Marcel Côté.
La division du vote entre quatre partis avait finalement permis à Denis Coderre de l’emporter avec à peine 32% des suffrages exprimés. Mais certaines sources proches de l’organisation de la campagne en 2013 m’ont confié que si l’élection avait duré une semaine de plus, celle que personne n’avait vu venir en début de campagne aurait bien pu devenir la première mairesse de la métropole tant sa progression dans les sondages était fulgurante en fin de course.
Balarama Holness sera-t-il le «Mélanie Joly» de 2021 ? Chose certaine, l’avocat et ancien joueur de football des Alouettes de Montréal sera assurément à surveiller.
Tout est possible
À environ 15 à 20% d’intentions de vote si l’on combine les scores des deux partis fusionnés dans les plus récents sondages, Balarama Holness ne représente pas encore une grande menace pour les deux meneurs de cette campagne. Mais alors qu’il consolide ses appuis et qu’il attire de plus en plus l’attention des médias et du public, son parti risque bien de devenir une force grandissante dans les prochaines semaines.
Et comme en 2013, une division du vote cette année pourrait changer drastiquement l’issue de cette élection.
D’un côté, Valérie Plante pourrait perdre des appuis à gauche, déçus du bilan de son premier mandat à la mairie ou attirés par certaines positions de Mouvement Montréal sur le plan social. Pensons entre autres à la question du définancement de la police afin de rediriger certaines sommes vers le milieu communautaire, une proposition défendue par Balarama Holness et son équipe. Alors que la métropole fait face à une recrudescence des crimes impliquant des armes à feu et que l’enjeu de la sécurité publique figure au sommet des priorités des citoyens, le sujet ne fait vraiment pas l’unanimité du côté de Projet Montréal, créant de la division au sein même de l’équipe de la mairesse sortante.
À l’inverse, pour Denis Coderre, qui n’est soudainement plus la seule option pour les électeurs en quête d’une alternative à quatre autres années de l’administration de Projet Montréal, le fait de devoir partager le vote «tout sauf Plante» avec un autre candidat n’est pas forcément une bonne nouvelle.
Le vieux renard et le jeune loup
Il faut dire que l’ancien maire ne connaît pas le début de campagne qu’il espérait initialement. Après une série d’écueils, de reculs et de mauvais calculs stratégiques qui sentaient l’improvisation depuis l’annonce de son grand retour en politique, le confortable écart de 10 points qui le séparait de Valérie Plante en mai dernier a fondu comme neige au soleil durant l’été. Les deux adversaires seraient maintenant au coude-à-coude dans les intentions de vote.
Heureusement pour Denis Coderre, la course à la mairie est encore jeune. Il n’est donc pas trop tard pour corriger le tir et tenter de revigorer sa campagne.
La présentation de son programme électoral, cette semaine, donnera certainement une nouvelle bouffée d’oxygène à Ensemble Montréal, qui a désormais des idées et une vision claire à proposer aux Montréalais pour les quatre prochaines années. L’homme n’a peut-être pas changé autant qu’il voudrait le faire croire depuis sa défaite, si ce n’est sur le plan vestimentaire, mais contrairement à l’élection de 2017, Denis Coderre semble tout de même avoir compris qu’on ne peut espérer être élu simplement en se fiant à sa notoriété et à son bilan comme ancien maire.
Tout peut encore arriver. Néanmoins, le vieux renard de la politique montréalaise devra rapidement se ressaisir s’il ne veut pas voir un jeune loup comme Balarama Holness lui faire de l’ombre et, ne sait-on jamais, lui ravir le titre d’alternative officielle à Valérie Plante d’ici le 7 novembre.