Réseau électrique métropolitain (REM), Service rapide par bus (SRB) du boulevard Pie-IX, prolongement de la ligne bleue du métro… Montréal a plusieurs projets sur la table en matière de transports collectifs. Que peut-on apprendre de l’expérience d’Ottawa qui vient d’inaugurer son train léger (O-Train) ? Pierre Barrieau, président de Gris Orange Consultant et chargé de cours en urbanisme et en planification des transports à l’Université de Montréal et à l’UQAM, partagera son point de vue sur le sujet lors du Sommet Transport et mobilité, présenté le 26 février à Montréal par les Événements Les Affaires.
Quel impact le chantier de l’O-Train a-t-il eu sur les déplacements dans la région d’Ottawa ?
Pierre Barrieau : C’était le chaos. Il faut savoir que le train léger remplaçait un système d’autobus en site propre dont la capacité ne répondait plus à la demande. Quand les travaux ont commencé, les autobus ont perdu leur voie exclusive et ils se sont retrouvés sur des routes déjà congestionnées. La Ville a dû élargir des routes et fermer des rues aux voitures pour faire passer les autobus. Tout cela a causé beaucoup de problèmes. La leçon pour Montréal, c’est qu’il faut bien planifier les mesures d’atténuation et les mettre en œuvre avant de lancer le chantier.
Qu’en est-il de la reconfiguration des réseaux d’autobus autour des nouvelles stations ?
P.B. : À Ottawa, la reconfiguration du réseau d’autobus a été faite tardivement et cela a entraîné beaucoup d’insécurité. Quand on planifie un projet qui bouleverse les habitudes des gens, il faut communiquer le plus possible avec eux. Ça veut dire entre autres de préparer la reconfiguration du réseau d’autobus avant la première pelletée de terre. Les gens veulent savoir comment ils se rendront à la station de train, une fois le nouveau système de transport en place. Cela peut les amener à changer d’emploi, de garderie, ou à déménager.
Que pensez-vous du mode de réalisation de projet Design/Build utilisé pour le O-train ?
P.B. : Avec le Design/Build, un ou parfois deux consortiums prennent en main l’ingénierie et la construction. Ils sont responsables de tout. Le donneur d’ouvrage aime cela, car son risque financier est diminué et la réalisation du projet va plus vite. Pour le REM, c’est le mode Design/Build/Operate qui a été choisi. L’ouvrage sera donc exploité par son constructeur. Le grand inconvénient de ces deux modes de réalisation, c’est que les donneurs d’ouvrage perdent du contrôle sur leur projet. De plus, ils ne sont pas à l’abri des demandes pour des dépassements de coûts. Mon conseil : mettre en place davantage de mesures de contrôle et de suivi. Oui, on délègue des responsabilités, mais on ne doit pas s’en laver les mains.
Un bon coup d’Ottawa dont Montréal pourrait s’inspirer ?
P.B. : Dès la conception de la première phase de son O-Train, Ottawa commençait à penser aux phases suivantes. Cela permet de voir à long terme et de concevoir le premier segment en fonction de ce qui s’en vient. À Montréal, on s’apprête à prolonger la ligne bleue du métro. On devrait déjà planifier les autres prolongements et en mettre un autre en chantier dès que le premier sera terminé. Les travailleurs seront expérimentés, le tunnelier sera déjà ici, il faut en profiter. On diminuera ainsi les coûts de construction et on accélèrera la cadence des travaux. Même chose pour le REM, dont les phases suivantes sont déjà à l’étude.
Quel est le rôle des politiciens dans les grands projets de transport ?
P.B. : À Ottawa, le train léger est arrivé avec plusieurs années de retard et des dépassements de coûts énormes à cause des politiciens. Le projet a été modifié à plusieurs reprises à la suite de l’élection d’un nouveau maire. Or, le rôle des politiciens, c’est de vendre un projet à la population. De convaincre. Mais ce n’est pas de décider de la technologie, de la conception ni des trajets. Laissons cela aux experts en la matière.