Minéraux: les tendances à suivre en 2023

Publié le 20/04/2023 à 15:30

Minéraux: les tendances à suivre en 2023

Publié le 20/04/2023 à 15:30

Contrairement aux autres métaux à la mode, l’acier demeure le seul métal requis dans tous les projets de décarbonation de l’énergie: géothermie, hydro-électricité, nucléaire, réseaux électriques, biénergie, panneaux solaires, hydrogène, éoliennes, véhicules électriques, etc. Avec tous ces avantages, à quand la prochaine ruée vers le fer? (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Je participais dernièrement à un panel en collaboration avec Fasken, pour entendre des dirigeants de minières québécoises nous parler des tendances 2023 dans leur secteur. Voici quelques observations à la suite des discussions.

Le graphite

Le graphite, à l’instar du cuivre et du lithium dont il est question un peu plus loin, est devenu essentiel pour le secteur des énergies renouvelables. Sa haute conductivité le rend pratiquement indispensable dans la production d’électrodes, de batteries et de panneaux solaires.

À l’échelle mondiale, la Chine demeure le plus important producteur de graphite, mais le pays restreint ses exportations.

Le graphite est rare en Amérique du Nord. Les États-Unis ne comptent qu’un seul gisement, en Alaska, tandis que le Canada abrite des installations en Colombie-Britannique et au Québec.

Le défi d’exploiter ces gisements repose en bonne partie sur la capacité des producteurs de purifier adéquatement le minerai pour répondre aux exigences technologiques du marché.

 Et ce marché est fort prometteur!

Depuis cette année, la demande dépasse l’offre mondiale, créant ainsi un déficit annuel structurel qui atteindra huit millions de tonnes en 2040.

 Les prix sont évidemment à la hausse. En 2022, le prix du graphite en flocons (c’est le type de graphite présent au Québec) a connu une hausse de 22%. Bref, l’avenir est positif pour les mines de graphite au Québec.

 

Le cuivre

Le cuivre est un métal industriel majeur depuis un siècle à cause de ses nombreuses qualités. D’ailleurs, les procédés de fabrication des autos électriques nécessitent quatre fois plus de cuivre que ceux requis pour les véhicules à essence.

Or, il s’avère pratiquement impossible de répondre à cette demande pour le cuivre, et ce, pour trois raisons.

La première est impitoyable: c’est l’absence de la ressource. Malgré des milliards de dollars investis en prospection, il est de plus en plus difficile de trouver du cuivre aujourd’hui sur la planète.

La seconde raison réside dans les délais d’exploitation. À la lumière des technologies actuelles, il faut compter une bonne quinzaine d’années entre la découverte d’un gisement et les premières livraisons du produit sur les marchés.

La troisième raison est liée aux mêmes délais: c’est la rareté des capitaux. Beaucoup d’investisseurs boudent les projets de prospection de cuivre parce qu’ils recherchent des rendements à plus court terme.

Le Québec pourrait tirer profit de cette rareté et, conséquemment, de la demande spectaculaire du cuivre dans le futur.

 

Le lithium

Enfant chéri des minéraux critiques et stratégiques, avec peu de fournisseurs et plusieurs acheteurs, le lithium fait évidemment l’objet de convoitise. Les prix du concentré sont conséquents: ils ont connu une hausse de 212% depuis le deuxième trimestre 2021.

L’Amérique du Sud détient plus de 50% des réserves mondiales de lithium.

L’Australie et la Russie sont également des joueurs importants.

Le Canada se situe au septième rang des pays où on trouve du lithium exploitable. Avec près de 7% des réserves mondiales de roche dure, le pays peut se positionner à titre de fournisseur clé d’hydroxyde de lithium dérivé du spodumène.

Le Québec n’est pas en reste dans cette course au précieux minerai.

Avec plusieurs projets d’envergure, l’approvisionnement à la matière semble suffisant pour créer une filière robuste. Ces projets sont situés dans le nord du Québec et en Abitibi-Témiscamingue, ce qui représente un avantage indéniable.

La région offre des infrastructures pertinentes, une main-d’œuvre expérimentée et qualifiée ainsi que plusieurs services miniers spécialisés.

C’est un grand terrain de jeu à très fort potentiel. Sayona Québec a d’ailleurs annoncé en mars la mise en opération du site de Lithium Amérique du Nord, le premier producteur de spodumène en Amérique du Nord.

 

Le fer

Depuis plusieurs années, les affaires sont bonnes pour le fer. Le concentré connaît une demande constante sur les marchés et les prix se maintiennent.

Malgré ce contexte positif, le fer, du moins celui du Québec, souffre d’un important déficit de notoriété dans l’actualité minière.

Alors que les analystes (et maintenant les gouvernements) suivent à la trace les minéraux dits critiques et stratégiques, le fer demeure absent de la liste de ces produits d’avenir.

La raison est assez simple: la majorité des mines dans le monde produisent un fer de basse qualité, avec un indice de pureté inférieur à 62-63%.

Ce fer ne peut pas être utilisé dans les procédés d’avenir liés à la décarbonation des aciéries elles-mêmes ni dans la fabrication des batteries de véhicules électriques et des systèmes de stockage d’énergie.

Or, il en est autrement du fer qui présente des indices de pureté de 62 à 70%, un produit que seules les aciéries équipées de nouveaux fourneaux à arc électrique peuvent fabriquer.

C’est à ce niveau que la bataille se joue actuellement.

Les gouvernements en sont d’ailleurs conscients. Le Canada a déjà investi 2 milliards de dollars pour faciliter la conversion de deux aciéries au pays. D’autres pays, dont les États-Unis et la France, adoptent des politiques semblables.

Les marchés reflètent aussi cette course. On évalue que la demande pour le fer de haute pureté connaîtra une hausse de 355% d’ici 2050.

Or, il y a très peu d’endroits sur la planète où l’on trouve le bon matériel susceptible d’être transformé en fer de haute pureté.

La Russie et l’Ukraine en possèdent, mais tout indique que le développement minier devra patienter quelques années dans le contexte d’une guerre qui perdure.

Le sous-sol du Brésil en renferme également, mais le bris d’une digue sur un important site d’extraction a considérablement ralenti les choses.

Il reste le Québec. L’immense fosse du Labrador présente un sous-sol favorable à l’extraction du «bon fer».

Dernière considération pour prendre l’avenir du minerai au sérieux: contrairement aux autres métaux à la mode, l’acier demeure le seul métal requis dans tous les projets de décarbonation de l’énergie: géothermie, hydro-électricité, nucléaire, réseaux électriques, biénergie, panneaux solaires, hydrogène, éoliennes, véhicules électriques, etc.

Avec tous ces avantages, à quand la prochaine ruée vers le fer?

À propos de ce blogue

Le regard d'un spécialiste du secteur minier au Québec auprès de l’industrie, des gouvernements et du grand public. Maxime Guilbault est associé au sein du groupe de Certification chez PwC Canada et leader du groupe Mines et Métaux pour le Québec. Au cours des 15 dernières années, il s’est spécialisé dans la prestation de services aux clients du secteur minier et il travaille avec des sociétés à différents stades, allant de l’exploration à l’exploitation. Plus récemment, Maxime s'est concentré sur les entreprises qui cherchent activement à développer de grands projets d'investissement. En 2017, Maxime a supervisé la rédaction de la plus importante publication mondiale de PwC sur l’industrie minière «Mine 2017. Stop. Think…Act».

Maxime Guilbault
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