(Photo : 123rf)
Quand il s’agit de santé psychologique au travail, il peut être facile de se laisser séduire par les « saveurs du mois » qui font les manchettes. « Pourtant, les entreprises auraient tout intérêt à miser sur les connaissances scientifiques afin de porter des actions plus efficaces et pérennes », suggère France Saint-Hilaire, professeure agrégée en gestion des ressources humaines à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke. Directrice de la veille scientifique du réseau Global-Watch, Mme Saint-Hilaire viendra partager trois interprétations scientifiques sur le thème de la charge de travail lors de la conférence Santé psychologique, présentée par les Événements Les Affaires le 22 janvier, à Montréal.
Avant tout, qu’est-ce que Global-Watch ?
France Saint-Hilaire : Il s’agit d’une plateforme collaborative alimentée par une veille scientifique internationale qui fournit des trousses d’outils et des expérimentations aux employeurs. Dans l’objectif d’interpréter de manière rigoureuse les connaissances scientifiques, une équipe universitaire rédige des articles en collaboration avec des chercheurs internationaux. Ces experts contribuent à traduire les connaissances scientifiques en pistes d’action concrète pour les employeurs, les gestionnaires et les employés.
Quels sont les trois thèmes d’études scientifiques que vous allez aborder ?
F. S-H. : La première étude concerne toutes ces tâches inutiles et déraisonnables qui contaminent le travail. Il a été montré que les tâches déraisonnables, celles qui requièrent un niveau d’expérience et d’expertise supérieur ou inférieur à celui du salarié, entraînent de l’insatisfaction et de la frustration au travail. Les tâches inutiles suscitent, elles aussi, les mêmes réactions. Ces résultats aident les employeurs à s’interroger sur la valeur et la contribution des tâches demandées au personnel, telles que faire de la saisie de données alors que vous êtes un professionnel de haut niveau. Est-ce que ces tâches sont vraiment justifiables et nécessaires à l’organisation? En fait, ces tâches inutiles et déraisonnable finissent par affecter directement le bien-être psychologique de l’employé.
Parlez-nous svp de la 2e étude scientifique ?
F. S-H. : Elle porte sur toutes ces interruptions de travail qui affectent le bien-être des employés. Les pop-up, les chats, les courriels, les textos, les appels téléphoniques, les visites impromptues des collègues dans le cadre de la porte…toutes ces interruptions viennent augmenter la charge de travail. Selon deux études menées en Suisse chez plus de 1000 travailleurs, il en ressort que la multiplication de ces interruptions augmente le niveau d’insatisfaction professionnelle et le nombre de plaintes psychosomatiques. À terme, ces interruptions finissent par compromettre le bien-être des employés.
Enfin, quelle est la 3e étude que vous allez présenter ?
F. S-H. : Il sera question de tous ces travailleurs qui doivent servir avec le sourire, c’est-à-dire exprimer une émotion qu’il ne ressente pas toujours, une tâche beaucoup plus facile à dire qu’à faire. Une étude québécoise a d’ailleurs été effectuée en 2018 auprès de plus de 200 participants. Les résultats de l’étude ont signalé que les différentes formes de travail émotionnel ont des effets sur l’épuisement émotionnel et la performance de service des employés attitrés au service à la clientèle. En somme, la santé psychologique peut sembler une science peu tangible. Il n’en demeure pas moins qu’il est possible pour les entreprises de s’inspirer des connaissances scientifiques afin de mieux guider leurs interventions dans ce domaine.