«Je ne veux pas faire preuve de fausse modestie, mais je peux affirmer avec confiance que jusqu’à présent (au cours des douze dernières années), même si notre vie professionnelle fait partie intégrante de notre vie familiale, mes trois frères, ma sœur et moi réussissons à bien concilier les deux.» (Photo: 123RF)
EXPERTE INVITÉE. «Comment ça se passe de travailler en famille?». C’est certainement la question qui m’est la plus fréquemment posée. Je réponds toujours de manière très honnête en disant que nous nous entendons tous les cinq super bien. Malgré le fait que nous travaillions ensemble au centre de service du lundi au vendredi, nous nous retrouvons pratiquement toutes les fins de semaine au chalet familial, en plus de nous réunir chez l’un d’entre nous à tour de rôle pour souper chaque lundi, cinquante-deux semaines par année.
Autour de la table, nous sommes 27 (figurativement parlant, car nous avons trouvé plus pratique, pour des raisons de logistiques, de faire une première tablée d’enfants et une seconde par la suite avec les adultes). Nos amis appellent ce moment «la messe des Abbatiello». Je ne veux pas faire preuve de fausse modestie, mais je peux affirmer avec confiance que jusqu’à présent (au cours des douze dernières années), même si notre vie professionnelle fait partie intégrante de notre vie familiale, mes trois frères, ma sœur et moi réussissons à bien concilier les deux.
En plus de nos valeurs familiales très fortes, nous avons développé des méthodes et des approches qui nous aident à faire coexister harmonieusement ces deux aspects de notre vie.
Facteurs clefs pour éviter les conflits:
Il est normal que les entreprises familiales soient plus sujettes aux discordes que les entreprises détenues par des personnes qui n’ont pas grandi ensemble. Les relations personnelles entre les membres d’une famille ne peuvent être niées et elles colorent un conseil d’administration. Comme pour toute épreuve, il est possible de prévenir les accrochages et de développer des approches pour les minimiser avec le temps.
S’adresser aux personnes: les similitudes entre le personnel et le professionnel
Que ce soit dans nos relations interpersonnelles ou professionnelles, tout le monde gagne à avoir une communication claire et ouverte. Récemment, j’ai assisté à un conflit entre deux amis et ma première réaction a été de faire un lien avec le travail de l’un d’eux. En tant que gestionnaire d’une équipe assez importante en nombre, je lui ai demandé s’il aborderait ce genre de problème de la même manière si le protagoniste était un membre de son équipe. Un peu surpris, il m’a expliqué que non, qu’il serait plutôt dur sur le sujet et non sur la personne. Je pense sincèrement que sa réponse est excellente.
Avec mes frères et ma sœur, quelques mois après avoir racheté l’entreprise de nos parents, nous nous sommes dit que nous devions nous parler comme si nous parlions à n’importe quel autre membre de l’équipe. Nous commençons d’ailleurs chaque réunion mensuelle en lisant la citation d’Indra Nooyi, ex-CEO de PepsiCo durant 12 ans: «Le leadership sans honnêteté est un manque de courage». Nous avons ajouté une parenthèse à cette phrase qui se lit comme suit «on enlève les gants blancs et on se dit les vraies affaires en demeurant polis et respectueux».
Il est évidemment davantage facile de s’emporter et de s’adresser de manière plus cavalière à nos proches qu’aux autres membres de l’équipe. Le but n’est pas de réprimer nos pensées ou d’éviter certains sujets de peur de blesser, mais plutôt d’aborder les problèmes de manière respectueuse et constructive afin de régler l’enjeu.
Définir des rôles et des responsabilités
Une source fréquente de frictions dans une entreprise familiale, tout comme dans une famille, réside dans l’absence de structure et la non-définition des rôles et des responsabilités de chacun. Il est essentiel de les définir au sein d’une entreprise familiale. Cela évite les chevauchements de compétences et de pouvoir, et permet également à chacun de se concentrer sur son domaine d’expertise. Ainsi, tout le monde peut travailler de manière plus harmonieuse et chacun connaît les limites de son autonomie. Après tout, qui suis-je pour donner des conseils? Je n’ai suivi aucun cours universitaire sur le sujet, bien que je doute qu’il en existe…
À 29 ans, travaillant depuis 16 ans au sein de l’entreprise familiale, cumulant 11 ans d’expérience dans le monde des affaires et ayant traversé deux transferts d’entreprises familiales, j’ai acquis une bonne dose d’expérience en un court laps de temps. Mes trois frères et ma sœur, tout comme moi, avons dû nous adapter à de nombreux défis en ajustant et en redressant nos voiles au fil des saisons et au gré du vent.
Aujourd’hui, nous ne nous parlons plus comme lorsque nous étions jeunes et que nous commencions à travailler ensemble, dans les cuisines des restaurants. Nous avons compris, en se côtoyant 85% du temps au travail et de façon régulière lors de moments de qualité en famille, que la communication, la transparence et le professionnalisme sont les trois aspects que nous devions toujours garder à notre esprit pour bien réussir de manière simultanée notre vie professionnelle et personnelle. Le plus grand succès dans tout ça, c’est de démontrer à nos 16 enfants que c’est possible de travailler en famille et de prendre plaisir à le faire.