Avec près de 15% d’avance, Valérie Plante l’emporte de manière encore plus décisive qu’en 2017. (Photo: Les Affaires — Martin Flamand)
BLOGUE INVITÉ. 24 octobre 1960: Trois ans après avoir subi une défaite crève-cœur, un jeune Jean Drapeau effectue son grand retour à la mairie de Montréal. Celui qui allait plus tard marquer à jamais l’histoire de la métropole, dirigeant la ville d’une main de fer pendant les 26 années qui suivront, remportait ainsi son match revanche face à Sarto Fournier, qui l’avait délogé du pouvoir après seulement un mandat en 1957.
Denis Coderre est un grand admirateur de Jean Drapeau. Comme lui, il espérait avoir droit à une seconde chance, dimanche soir, après une dure défaite encaissée quatre ans plus tôt.
Mais contrairement à Drapeau, le candidat Coderre n’est pas parvenu à gagner son pari.
Autopsie d’une défaite
Et pourtant, tout semblait bien parti pour l’ancien maire lorsqu’il a confirmé, sans grande surprise, son retour sur la scène politique municipale, au printemps dernier.
En affirmant avoir changé et en publiant un livre dans lequel il présentait sa vision pour l’avenir de Montréal, Denis Coderre semblait initialement avoir tiré des leçons de sa défaite de 2017. Cette fois-ci, pas question de miser uniquement sur son bilan et sa notoriété dans l’espoir de se faire élire ; le chef d’Ensemble Montréal avait un véritable programme et un nouveau visage à proposer aux électeurs de la métropole.
En mai dernier, Coderre trônait dans les intentions de vote, devançant Valérie Plante de pas moins de 10 points. Mais rapidement, il s’est mis à enchaîner les erreurs stratégiques, les déclarations malhabiles, les décisions improvisées et les candidats au passé embarrassant qui sont venus plomber sa campagne.
Résultat: sa confortable avance a fondu comme un cornet de crème glacée en pleine canicule. Si bien qu’à la fin de l’été, il se retrouvait désormais au coude-à-coude avec Valérie Plante.
Les sondages feront ensuite du sur-place jusqu’à la toute dernière semaine, lorsque la saga des contrats cachés viendra définitivement sceller le sort de cette campagne. Sur la défensive pendant quatre précieuses journées, Denis Coderre s’est retrouvé pris au piège dans un scénario qui n’est pas sans rappeler l’affaire de la Formule E en 2017, comme je l’écrivais dans ce blogue il y a quelques jours.
Un mandat clair pour Valérie Plante
Les sondeurs avaient donc vu juste en indiquant que la tendance était en train de tourner en faveur de Valérie Plante dans les derniers jours de la campagne, mais personne n’aurait pu prédire que sa victoire serait aussi éclatante. Avec près de 15% d’avance, elle l’emporte de manière encore plus décisive qu’en 2017.
La mairesse sortante est parvenue à maintenir ses appuis alors que son principal adversaire a reculé de près de 8 points par rapport à il y a quatre ans. Même en additionnant son score à celui de Balarama Holness, qui s’en est tiré avec un maigre 7%, Coderre n’aurait pas été en mesure de s’emparer de la mairie, ni même de battre son propre score d’il y a quatre ans.
Pour la cheffe de Projet Montréal, qui a mené une campagne positive, bien ficelée et somme toute assez modérée, le triomphe est ainsi sans conteste.
Quel avenir pour Coderre?
Reste maintenant à savoir ce que fera Denis Coderre. Restera-t-il comme chef de l’opposition officielle à l’hôtel de ville? On peut sérieusement en douter. Dans les circonstances, on le comprendrait de ne pas avoir envie de rester.
N’empêche que s’il le voulait, il aurait sans doute encore beaucoup à apporter à cette ville qu’il aime tant. Il n’est peut-être pas parfait, mais il n’en demeure pas moins un politicien de grande qualité.
Certains seront peut-être tentés de croire que cette seconde défaite consécutive viendra consacrer la fin de la carrière politique de Denis Coderre. Mon petit doigt me dit toutefois qu’on n’a peut-être pas fini d’entendre parler de celui qu’on surnomme affectueusement «Kid Coderre», que ce soit en politique, dans les médias ou ailleurs. En général, un homme qui a passé presque l’entièreté de sa vie sous les projecteurs ne reste jamais bien loin des caméras…
Vent de changement sur la capitale
«Mesdames et messieurs, la nouvelle mairesse de Québec, Marie-Josée Savard!»
C’est sur ces mots que la dauphine de Régis Labeaume est apparue devant les médias pour réagir à l’annonce de sa victoire, très tôt durant la soirée électorale.
Trop tôt, en fait. Plus la soirée avançait, plus le fossé se resserrait entre la cheffe de l’Équipe Savard et le candidat de Québec Forte et Fière, Bruno Marchand. Dans un suspense interminable, ce dernier est finalement ressorti vainqueur par une faible majorité.
Après 14 ans de règne de Régis Labeaume, les citoyens de la capitale ont ainsi choisi une nouvelle voie plus à gauche sur l’échiquier politique. Bruno Marchand est issu du milieu communautaire et sa formation politique partage certains points en commun avec Projet Montréal, leur programme étant davantage axé sur la qualité de vie, les familles, l’environnement et l’inclusion sociale, par exemple.
En ce sens, on peut s’attendre à voir Québec et Montréal faire front commun dans certains dossiers au cours des quatre prochaines années, notamment en ce qui a trait à l’enjeu du logement et à la question de la mobilité.
Les femmes et les jeunes au pouvoir
Cette élection fut aussi l’occasion de voir plus de femmes s’emparer de la tête de grandes villes. Ainsi, trois des cinq villes les plus populeuses du Québec — Montréal avec Valérie Plante, Gatineau avec France Bélisle et Longueuil avec Catherine Fournier — seront désormais dirigées par des femmes. Du jamais vu.
La génération Y prend aussi de plus en plus sa place en politique municipale, alors que de grandes villes comme Laval, Longueuil, Sherbrooke, Repentigny et Terrebonne ont élu des maires et des mairesses de moins de 40 ans. Plus que jamais, l’éveil des «millénariaux» se fait ressentir aux quatre coins de la province.
Comme quoi, les temps changent et notre société évolue pour le mieux. À ce niveau, c’est tout le Québec qui gagne.