Dès le mois de juin, la ville de New York va instaurer une tarification sur la congestion routière, limitant la circulation et générant des fonds pour le transport en commun. (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Le Québec se présente parfois comme un leader dans la lutte contre les changements climatiques. Si nous voulons vraiment aspirer à ce titre, il serait sans doute utile de regarder immédiatement au sud de notre province, dans l’État de New York.
En 2019, New York a adopté son Climate Leadership and Community Protection Act. L’objectif est similaire à celui du Québec pour 2030, soit une réduction de 40% des émissions de GES par rapport au niveau de 1990.
Cependant, deux éléments sont très distincts dans l’approche de nos voisins.
Ce premier élément est technique, mais crucial. Il établit la période sur laquelle nous calculons le potentiel de réchauffement des gaz à effet de serre (GES): sur 20 ans ou sur 100 ans?
Il est évident qu’en amortissant le coût climatique d’une tonne de GES sur 100 ans, l'impact paraît moindre que sur 20 ans.
La norme internationale adoptée dans les inventaires de GES est d’utiliser 100 ans. C’est ainsi que le Québec rend compte de ses émissions annuelles de GES.
À New York, en tant que leader climatique, ils ont choisi d’agir en accord avec l’urgence climatique et de comptabiliser leurs émissions sur la base des dommages causés sur 20 ans.
Ainsi, au lieu de déclarer des émissions pour 2021 de 185 millions de tonnes (Mt) de GES (comme le gouvernement fédéral américain l'indique pour l’État de New York), l’inventaire publié par New York montre 387 Mt, soit deux fois plus de GES.
Ce n'est pas uniquement parce qu'ils utilisent une base de 20 ans, mais aussi parce que, contrairement à l'inventaire fédéral, ils incluent les émissions de GES liées à la production d'électricité hors de leurs frontières.
Dans ce contexte, les exportations d'électricité québécoises sont particulièrement avantageuses pour New York, car elles n’alourdissent pas leur bilan carbone.
En optant pour cette comptabilité carbone, l’État de New York ne peut se vanter que d'avoir réduit ses émissions de 9% entre 1990 et 2021, alors qu’avec la comptabilité conventionnelle, il pourrait déclarer une réduction de 21%.
Qu'est-ce qu'un gouvernement habituel aurait choisi, 9% ou 21%?
Un marché du carbone plus sérieux que le nôtre
Aspirant véritablement au titre de leader dans la lutte contre les changements climatiques, New York envisage d’adopter un système de plafonnement et d’échange de droits d'émission (SPEDE) de GES similaire à celui du Québec et de la Californie, et ce, dès 2024 pour atteindre la cible de 2030.
Le SPEDE du Québec est très performant.
C'est la seule contrainte ferme sur les émissions totales de GES mise en œuvre au Canada. Cependant, des problèmes ont été identifiés, notamment la surabondance de droits d'émissions, affaiblissant la contrainte du plafond.
Le gouvernement du Québec reconnaît ce problème en évoquant une «optimisation» potentielle du marché du carbone en 2024, comme indiqué à la page C.76 du récent budget 2024-2025.
Le marché de New York devrait se distinguer en interdisant les crédits compensatoires, qui élèvent artificiellement le plafond d’émissions, et en ajustant chaque année le nombre de droits d'émission distribués selon les réserves existantes.
Si les réserves permettent d’émettre plus que le plafond annuel, New York mettrait moins de droits en circulation, évitant la situation actuelle du marché Californie-Québec, où les réserves correspondent à environ une année complète d’émissions.
Des vraies contraintes se développent à New York
Il n’est pas encore certain que ce marché du carbone plus strict et plus efficace soit mis en place à New York.
Le gouvernement du Québec pourrait également optimiser notre marché du carbone pour qu’il soit à la hauteur d’un leader climatique.
Cependant, en matière de transparence des données et de discours, le gouvernement de New York est clairement plus avancé que celui du Québec.
Sur le terrain, on observe également à New York un leadership que l’on attend toujours ici.
Dès le mois de juin, la ville de New York va instaurer une tarification sur la congestion routière, limitant la circulation et générant des fonds pour le transport en commun.
Il coûtera 15$US (20,35$CA) par voiture pour entrer dans Manhattan, les revenus étant destinés à améliorer les bus et les métros.
C’est avec ce genre d’initiatives que les objectifs ambitieux seront atteints.
Il n’est pas nécessaire de chercher loin pour trouver de l’inspiration climatique: nos voisins du sud nous offrent des leçons précieuses.