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Lorsqu’on dresse le bilan de l’année 2017, les performances financières du Top 40 des minières dans le monde sont impressionnantes. Le niveau des liquidités est tel qu’il engendre un nouveau risque, celui de céder à la tentation de la cupidité à court terme plutôt que de créer de la valeur de façon responsable pour toutes les parties prenantes, et ce, de manière durable.
Le Top 40 désigne les 40 plus importantes sociétés minières au monde selon la capitalisation boursière. Or, ces sociétés ont connu des résultats exceptionnels en 2017, dont une hausse de 30 % de leur capitalisation boursière, pour une valeur de 926 milliards de dollars américains; un chiffre d’affaires en hausse de 23 %, pour atteindre 600 milliards de dollars; un bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements (BAIIA) en hausse de 38 %, pour atteindre 146 milliards de dollars; un bénéfice net en hausse de 126 %, à 61 milliards de dollars .
Le Canada compte six sociétés dans le Top 40 et elles ont connu des performances similaires avec une hausse de capitalisation boursière de 21 %, une augmentation des revenus de 11 % et des profits de 116 % au cours de 2017, comparativement à l’année précédente.
Trois principaux facteurs expliquent ces performances : la croissance soutenue de l’économie mondiale, la reprise des prix des commodités et les efforts de réduction de coûts des minières au cours des dernières années – dernier cycle baissier oblige –, des stratégies qui se sont avérées astucieuses dans bien des cas.
Évidemment, dans le contexte où la situation mondiale demeure toujours à la merci des imprévus et des perturbations actuelles des marchés, la vigilance reste de mise aux yeux des experts de l’industrie. Les minières sont invitées à faire preuve de discipline dans le déploiement de leur capital, à viser la création de valeur sur une base durable et à demeurer concentrées sur les profits d’exploitation bien avant les rêves ambitieux de croissance.
Quant aux investisseurs qui ont soutenu la reprise du cycle minier, ils sont aujourd’hui récompensés. Les dividendes versés par les minières du Top 40 ont plus que doublé en un an, passant de 16 milliards de dollars en 2016 à 36 milliards de dollars en 2017. Si cette base de performance se maintient, les dividendes atteindront probablement des sommets en 2018.
L’optimisme est donc bel et bien présent dans l’industrie. La situation coïncide avec l’arrivée de nouveaux investisseurs, notamment dans le marché du « private equity ». On assiste également à l’intégration verticale de certains consommateurs finaux des commodités à mesure qu’ils investissent dans l’industrie minière. On peut se demander si c’est pour sécuriser leur propre approvisionnement aux commodités ou parce qu’ils anticipent une hausse des prix des commodités.
C’est le cas de Nutrien au Canada, qui combine Agrium, une entreprise de vente d’engrais et de produits chimiques, et PotashCorp, le plus grand producteur de potasse au monde. Dans un autre registre, comme je le soulignais dans mon dernier blogue, Tesla construit présentement une usine destinée à la fabrication de ses batteries de 35 gigawatts. Conséquemment, la société a pris une participation dans le secteur du lithium en Australie un minerai indispensable dans la fabrication des batteries.
Il est tout à fait possible que cet intérêt des acteurs non traditionnels pour l’industrie minière se maintienne et que le mouvement prenne même de l’ampleur au cours des prochaines années, si les conditions du marché continuent de s’améliorer. Certaines minières considèrent ces nouveaux joueurs comme une menace, d’autres cherchent à tirer parti de leurs capitaux et, surtout, de leurs nouvelles idées, en créant de nouveaux partenariats et alliances, autant de moyens de générer de la valeur à long terme.
Nous sommes donc à l’aube d’une ère prometteuse! Toutefois, la pression et les tentations sont fortes. Chaque partie prenante sollicite sa part du gâteau : les employés réclament des hausses salariales au-delà de l’inflation, les fournisseurs augmentent le coût des intrants, les gouvernements alourdissent le fardeau fiscal et les actionnaires s’attendent à davantage de dividendes.
La question de l’heure est simple : les minières garderont-elles en tête la viabilité à long terme ou succomberont-elles à la tentation de la cupidité à court terme? N’est-ce pas plutôt le moment de renverser les faibles investissements en capital des dernières années afin de créer de la valeur de façon responsable pour toutes les parties, et ce, de manière durable?