Tant de chemin à parcourir

Publié le 13/06/2023 à 13:23

Tant de chemin à parcourir

Publié le 13/06/2023 à 13:23

(Photo: 123RF)

Opinion. Il y a maintenant sept ans, la Commission de vérité et réconciliation publiait son rapport final sur les expériences tragiques d’environ 150 000 élèves dans les pensionnats indiens canadiens. Intitulé Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir, ce rapport proposait 94 recommandations dont certaines interpellaient directement les entreprises.

«Nous demandons au secteur des entreprises du Canada d’adopter la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones en tant que cadre de réconciliation et d’appliquer les normes et les principes qui s’y rattachent dans le cadre des politiques organisationnelles et des principales activités opérationnelles touchant les peuples autochtones, leurs terres et leurs ressources (…)», peut-on lire dans le rapport.

Les facteurs ESG (environnement, société, gouvernance) sont interpellés par la situation des Premières Nations, les Inuits et les Métis, en plus d’être reconnus par la Constitution canadienne. Comme le notait avec pertinence la Coalition pour les droits humains des peuples autochtones, «les peuples autochtones ont longtemps maintenu des modes de vie et des systèmes de droit qui incarnent des principes et des valeurs qui sont maintenant décrits comme “développement durable”».

 

Une sous-représentation problématique

Comment les entreprises répondent-elles à ces recommandations ? Permettez-moi de rappeler dans un premier temps que les représentants de ces nations forment 5% de la population canadienne selon le plus récent relevé de Statistiques Canada et occupent 0,9% des postes aux conseils d’administration des sociétés régies par la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) et cotées en bourse, selon un récent rapport du cabinet de juristes canadiens Osler. Pour ce qui est des postes de haute direction, seulement 9 entreprises affirmaient avoir au moins un membre de la haute direction issu de ces communautés, un chiffre infime et une représentation anémique, sans aucun rapport avec le poids démographique de ces communautés.

Il y a donc un long chemin à parcourir en regard d’une représentation au moins égale au pourcentage que ces différentes nations représentent au sein de notre population. Mais qu’en est-il de nos efforts d’inclusion ?

 

Selon un récent rapport publié par la firme d’experts-comptables PwC, moins de 20% des entreprises ont divulgué un plan d’action visant à offrir une meilleure inclusion et seulement 38% font état de politique visant la formation de leurs employés sur les enjeux d’une meilleure représentation des représentants de ces peuples au sein de leurs organisations. Une autre recherche fournit des informations additionnelles intéressantes :

· seulement 35% des entreprises sont disposées à prendre position publiquement sur des questions qui concernent ces populations ;

 

· à peine 26% ont adopté des stratégies pour sélectionner des personnes candidates provenant de ces communautés ;

 

· 22% ont mis de l’avant des stratégies pour s’approvisionner auprès d’entreprises dirigées par des membres des communautés visées.

Il faut déplorer que l’inclusion des personnes provenant de ces communautés s’effectue d’une manière homéopathique. Peu d’entreprises mettent en place des moyens pour favoriser leur inclusion.

Certains argumenteront que toutes les entreprises ne sont pas concernées avec la même intensité par cet enjeu. Toutefois, la révélation des événements tragiques dans les pensionnats autochtones canadiens a eu pour impact de sensibiliser tous les acteurs, que ce soit du monde gouvernemental, des affaires ou de l’église, aux graves iniquités qu’elles ont subies dans le passé, voire même encore aujourd’hui. C’est aussi se priver de la grande valeur ajoutée que ces communautés peuvent insuffler à nos sociétés.

 

À propos de ce blogue

Économiste, titulaire d’une maîtrise en administration des affaires, ainsi que d’une certification en gouvernance, Louise Champoux-Paillé se distingue par une carrière de pionnière dans le domaine des services financiers et professionnels, sa participation à plusieurs conseils d’administration et son engagement à la promotion de la saine gouvernance et de la représentation des femmes au sein des instances organisationnelles. Louise Champoux-Paillé a été présidente fondatrice du Bureau des services financiers, l’ancêtre de l’Autorité des marchés financiers. Elle enseigne la gouvernance et la gestion des risques à l’UQAM et a été nommée récemment co-directrice du Centre Lorenzetti (Université Concordia) dont l’objectif est de créer un carrefour d’expertise et de recherche durablement consacré aux femmes entrepreneuses et dirigeantes. À la recherche constante des nouvelles tendances en matière de gouvernance depuis quinze ans, Louise Champoux-Paillé parcourt quotidiennement différentes publications et études en accordant une attention particulière aux stratégies utilisées par les organisations pour intégrer les facteurs ESG dans leur vision, leur fonctionnement et leur plan de développement et ainsi répondre aux attentes des investisseurs, des actionnaires et de l’ensemble de leurs parties prenantes Louise Champoux-Paillé est membre de l’Ordre du Canada, chevalière de l’Ordre national du Québec, Fellow de l’ordre des administrateurs agréés du Québec et récipiendaire de prix de distinction de l’UQAM et de l’Université Laval. Elle a été admise au Cercle d’excellence de l’Université du Québec. Récemment, la médaille de l’Assemblée nationale du Québec lui était décernée pour l’ensemble de sa carrière.

Louise Champoux-Paillé
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