«100% des collègues de travail [de Fiston] ont quitté tour à tour leur poste depuis qu’il a commencé son emploi en avril dernier», rapporte Geneviève Desmarais. (Photo: 123RF)
EXPERTE INVITÉE. Pénurie de main-d’œuvre, difficultés d’embauche, rétention difficile... peut-être avez-vous décidé d’embaucher des étudiants d’été pour pallier vos besoins et vous permettre de souffler un peu. Maintenant, en prenez-vous soin ?
Après seulement deux mois derrière leurs fourneaux, Fiston vient de remettre sa démission dans un comptoir de restauration rapide du Time Out Market à Montréal. En toute transparence, je me suis demandé combien de temps il allait encore endurer la situation.
En plus des mauvaises conditions de travail, des assignations des horaires à la dernière minute, des quarts de 10, 11, 12 heures sans véritable pause, son superviseur lui donnait des réponses bidon lorsqu'il posait des questions sur la répartition des pourboires. Un superviseur se versait même deux fois plus de pourboires qu'aux employés. Les nouveaux ne touchaient pas de pourboire pendant leur période d’entrainement. Bref, il a lancé le linge à vaisselle.
Qu’est-ce qui autorise des employeurs à agir de la sorte?
Sincèrement, je ne vois aucune bonne raison. Vivre à fond la pénurie de personnel n’est pas un passe-droit pour exploiter les employés qu’il te reste ou les jeunes que tu embauches.
Vous le faites tout de même parce que, d’après vous, ils ne porteront pas plainte? Parce que dans le pire des cas, ils vont démissionner et que vous n’aurez qu’à les remplacer? Laissez-moi pousser un soupir de découragement. Quelle belle façon de s’assurer de ruiner sa marque employeur et de se faire une mauvaise réputation sur les médias sociaux.
J’ai un scoop pour vous: les jeunes se parlent de leurs conditions de travail, de leur salaire, des bons employeurs et ceux à éviter.
Aussi, cessons de répéter les platitudes du genre: «apprendre à la dure !», «c’est de même en restauration», «les jeunes d’aujourd’hui sont juste trop gâtés», «c’est générationnel».
Non, ce n’est pas générationnel. Toutes les générations souhaitent être traitées avec respect, et avoir des conditions de travail qui sont non seulement justes, mais qui sont conformes à la loi ! Ça, c’est le minimum.
Traiter notre relève de la sorte n’est certainement pas le scénario idéal pour leur donner envie de travailler. Le pire, c’est que Fiston aimait bosser. C’est son deuxième été en restauration. Il aimait cuisiner, faire de la «prep» comme on dit en cuisine. Mais pour le reste… 100% de ses collègues de travail ont quitté tour à tour leur poste depuis qu’il a commencé son emploi en avril dernier.
100% de taux de roulement ! Son ancien employeur devrait faire une sérieuse remise en question.
Personne ne peut se permettre de faire rouler entièrement son équipe aussi fréquemment. Pourquoi ne pas fidéliser ceux et celles qui ont décidé de vous faire confiance? Les traiter avec considération. Respecter la loi sur les normes du travail. Agir équitablement. Donner envie à nos employés de revenir jour après jour, plutôt que se demander tous les matins si c’est aujourd’hui qu'ils remettront leur préavis.
Pour attirer des talents, il faut d’abord prendre soin de ceux qu’on a. L’exploitation des jeunes, il me semble que c’est dépassé, non?