Vickie Joseph: ouvrir grandes les portes à la diversité


Édition du 22 Mai 2024

Vickie Joseph: ouvrir grandes les portes à la diversité


Édition du 22 Mai 2024

Par Catherine Charron

Vickie Joseoh (Photo: Martin Flamand)

LE TÊTE-À-TÊTE. ­Ayant consacré une bonne partie de sa vie active à élever les gens de sa communauté, l’entrepreneuse et philanthrope ­Vickie ­Joseph compte bien poursuivre cette mission maintenant qu’elle préside le conseil d’administration de la ­Chambre de commerce du ­Montréal métropolitain (CCMM). S’il a fallu dix ans pour que le message qu’elle prône à travers le ­Groupe 3737 soit entendu à grande échelle, elle n’a maintenant qu’un mandat de deux ans pour faire de la «diversité» sous toutes ses formes une normalité.

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Lors de votre entrée en poste comme présidente du conseil d’administration de la ­CCMM, votre objectif était de faire de la diversité et de l’inclusion une priorité au sein de la ­Chambre. Comment cela se ­concrétise-t-il?

Quand j’ai pris ce rôle, je suis arrivée avec mon bagage d’entrepreneuse, de femme et de personne issue de la diversité.

Lorsque tu as un style de leadership rassembleur, ça amène les gens à penser différemment. Qu’importe l’organisation, si tu mets des personnes de la diversité dans des postes de direction et de décision, tu vas voir que les mentalités, la culture, les idées vont changer. C’est le même principe actuellement.

On invite déjà de nouveaux conférenciers, comme on l’a fait avec la ­Dre ­Mae ­Jemison [NDLR : la première femme de couleur à être allée dans l’espace]. On parle de maillages entre grandes entreprises et entrepreneurs issus des communautés ethnoculturelles, de bonnes pratiques dans la structure de la gouvernance. On travaille sur un plan qui s’échelonnera sur plusieurs années pour rendre la ­Chambre plus inclusive, voire à ce qu’à l’avenir, on n’aura plus à discuter du mot diversité.

C’est ça l’objectif, c’est que ça devienne un mot complètement transparent, que tout le monde soit engagé, puis que tout le monde soit présent. Que le sentiment d’appartenance soit bien installé.

 

Alors qu’on entend que les stratégies d’équité, de diversité et d’inclusion s’essoufflent dans le monde des affaires, comment ­faites-vous pour garder cette flamme bien vivante chez les gens avec qui vous collaborez?

Pour mobiliser les gens, ça passe par l’éducation. Lorsque je suis arrivée, je pensais vraiment rencontrer des personnes qui se diraient « elle arrive encore avec ce ­sujet-là ». Pas du tout, ils étaient prêts à entendre, à écouter et à se poser des questions comme « pourquoi y ­a-t-il un écart comme ça avec les communautés ethnoculturelles, ou même avec les entrepreneurs ? »

Il faut aussi avoir des résultats concrets. Sans eux, ce n’est que du vent. Lorsque la ­Dre ­Jemison est venue, les membres du conseil ont reconnu que ça avait amené un engouement totalement différent. C’est aussi d’évaluer si ça a permis d’augmenter la performance, la productivité, créer plus de valeur et plus de revenus. Il faut presque se faire des indicateurs de performance pour mesurer les résultats et avoir des données. […]

L’essoufflement vient du fait qu’on abandonne trop rapidement.

Les gens sont fatigués d’en entendre parler parce qu’on l’a tellement fait. ­Au-delà de la diversité, il faut s’intéresser aux compétences de ces personnes. Aller chercher les bons candidats issus de toutes les communautés, leur permettre de performer et être là pour durer, puis amener de réels changements. Voir des résultats, c’est ça qui va faire en sorte que les gens vont pouvoir reprendre la motivation, c’est ça qui va faire en sorte qu’on va pouvoir continuer la discussion.

 

Vous avez déjà dit que vous étiez animée par la passion de changer le monde. Comment votre rôle vous ­permet-il de le faire pour les entreprises de la région de ­Montréal?

Par une nouvelle pensée stratégique.

En temps normal, lorsque tout le monde autour d’une table de discussion a le même profil, ce sont souvent les mêmes idées qui reviennent. Ça s’est reflété dans notre réflexion pour amener des personnes issues des communautés ethnoculturelles dans les activités de la ­Chambre.

Au moment d’inviter des conférenciers qui les touchent, certains se sont demandé si leurs entreprises étaient financièrement capables d’y participer. On croyait à tort, à cause du portrait brossé dans les médias, qu’elles ont peu de moyens, parce qu’elles viennent de quartiers plus pauvres. Je suis capable de leur dire que non. Grâce au ­Groupe 3737, que j’ai cofondé, je peux dire qu’il y a des entreprises qui ont des talents extraordinaires qui sont capables de payer des tables, qu’elles peuvent amener une ­plus-value économique, une voie d’influence à la ­Chambre, ça ouvre les horizons, ça brise les préjugés.

C’est pour ça que ça prend des gens assis autour de la table qui peuvent expliquer en s’appuyant sur des faits et de vraies données. Ça prend des gens comme moi avec des cultures, des mentalités, des façons de fonctionner différentes.

C’est impossible de pouvoir innover et d’avancer sans diversité, dans tous les sens du terme. Autrement, on va arriver à un statu quo, et c’est là que le bateau va couler.

 

Vous avez déjà mentionné que les programmes de la ­CCMM peinaient à atteindre les entreprises des communautés ethnoculturelles, que des ponts devaient être créés. Comment les bâtir?

Il y a plusieurs associations, comme ­Entreprendre ici et le ­Groupe 3737, qui aident les entreprises des communautés minoritaires à participer à la ­Chambre directement. Il faut les attirer avec des activités effectives, des programmes et des partenariats. Ils ont tant à gagner. C’est incroyable tout ce que la ­Chambre offre et compte offrir, comme des maillages entre petites et grandes entreprises. Leur croissance peut être encore beaucoup plus rapide.

Il faut innover. L’avenir du ­Québec se résume à être tellement diversifié dans tout son sens.

C’est aussi un travail de séduction. On doit leur tendre la main. Quand je parle avec les entrepreneurs des communautés ethnoculturelles, ils sont intimidés, ils ne s’y retrouvent pas. Ça, ça passe par les communications.

On doit être plus rassembleurs, beaucoup plus inclusifs.

Déjà, depuis que je suis présidente du conseil d’administration, ces entreprises semblent beaucoup plus intéressées, elles voient que la ­Chambre a un intérêt pour elles. Ça a amené comme un vent de changement ne ­serait-ce que pour les inspirer, leur ouvrir les yeux, pour qu’elles osent se dire qu’elles peuvent l’atteindre, y adhérer. Ça donne un espoir que oui, c’est possible de pouvoir s’intégrer dans le fameux ­Québec ­Inc.

J’aime me définir comme une créatrice d’occasions. Je ne prétends pas avoir toutes les réponses, je ne prétends pas pouvoir sauver la planète, mais si je peux en amener, permettre l’adoption de programmes ou d’un plan qui innove et qui laisse la place aux autres ; c’est ça mon objectif. Ouvrir la porte pour leur permettre de s’émanciper.

Avec le ­Groupe 3737, puis plus récemment avec V Cares, vous avez passé les dix dernières années à élever les gens autour de vous. Comment cela ­teinte-t-il votre approche pour diriger le ­CA de la ­CCMM ?

Ce n’est pas tant que ça teinte mon approche que ça me motive. Je trouve que c’est tellement positif. Je trouve ça enrichissant parce que je vois la valeur qui peut être amenée parce que j’ai vu l’essor, la croissance exponentielle de toutes ces entreprises et de ces entrepreneurs.

C’est fascinant de les amener dans un monde qui leur semblait inédit, qui ne leur semblait pas nécessairement trop permis. La présidence de la ­CCMM me permet d’amplifier ce message. Et ça va rendre notre économie encore plus forte, rendre le patrimoine de la province plus riche.

Ça me nourrit, l’essor de toutes ces ­communautés-là ensemble. C’est ce que l’on doit retenir, que l’on sera beaucoup plus forts, plus riches et productifs ensemble.

 

Ces passages à la présidence sont courts. Comment cela ­change-t-il votre leadership?

On doit établir nos priorités, ce qui va vraiment fonctionner avec des stratégies complètes et un plan fort et étoffé.

Tu dois avoir des objectifs à court terme, mais aussi à long terme afin de créer cet élan. Il faut rapidement avoir des retombées pour que cette mouvance perdure.

C’est ça le mandat, dans le fond. Il est tellement court, il faut que tu sois assez rapide et rusé pour être en mesure de tout faire en même temps, car il y a d’autres projets à la ­Chambre, pas juste la diversité. Tu dois voir tous les chantiers et t’assurer qu’ils ont de bons résultats. Ça prend donc des stratégies très ciblées et très concrètes pour teinter la gouvernance à long terme.

 

Quels legs ­souhaitez-vous laisser à la ­Chambre?

Je veux m’assurer que les entreprises et les entrepreneurs, que les personnes des communautés diverses se sentent incluses. Que l’on ait compris ce que peuvent amener à l’entrepreneuriat les femmes et la diversité dans son ensemble et que ça permette à de jeunes filles ou à de jeunes garçons de se dire qu’ils peuvent réaliser leurs rêves. Que la prochaine génération n’ait plus à se poser de questions et qu’elle ne perde pas espoir, que le mot diversité n’existe plus, car c’est devenu la normalité.

Je veux être rassembleuse. Je ne veux pas juste avoir une voix pour les personnes noires, je veux que ce soit pour tous les entrepreneurs, qu’elle soit unificatrice. Je représente les différents visages du monde des affaires, de l’avenir du ­Québec. C’est sûr qu’il y a d’autres défis, comme l’environnement, l’innovation, la recherche et le développement, mais ça commence par une communauté d’affaires diversifiée.

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