Les propositions actuelles, bien que partant d'une intention louable, nous placent devant un dilemme considérable. Par exemple, en exigeant que tous les appareils qui n’auront pas francisé un «on/off» devront cesser d’être vendus au Québec, en quelques semaines. (Photo: 123RF)
Un texte de Michel Rochette, président pour le Québec du Conseil canadien du commerce de détail (CCCD) et autres signataires (voir au bas du texte**)
COURRIER DES LECTEURS. Nous représentons des milliers de commerces, de manufacturiers, de créateurs de richesse pour la société québécoise et qui répondent quotidiennement aux besoins essentiels de sa population.
Face aux défis tels que la pénurie de main-d'œuvre, des chaînes d'approvisionnement tendues, l'augmentation des coûts opérationnels, des innovations continues et des besoins en évolution, nous nous engageons à maintenir une haute qualité dans toutes nos opérations. Nous partageons également un engagement solide en faveur de la protection et de la promotion du français en tant que langue des affaires et des communications au Québec.
Au cours des dernières années, nos organisations se sont constamment efforcées de développer diverses initiatives visant non seulement à renforcer le français, mais aussi à encourager les échanges avec d'autres pays et entités francophones. Nous avons intensifié l'utilisation d'outils de francisation et avons régulièrement reconnu et récompensé les entreprises qui s'engagent à promouvoir un français de haute qualité.
D’ailleurs, les données récentes de l’Office québécois de la langue française (l’OQLF) indiquent que le français se porte globalement aussi bien, sinon mieux sous plusieurs aspects, qu'il y a quinze ans — en particulier à Montréal. Cela devrait nous réjouir et nous encourager.
Cependant, nous souhaitons exprimer nos sérieuses inquiétudes quant aux récentes mesures proposées par le gouvernement pour renforcer son usage. En effet, d’importantes obligations suggérées auraient un impact limité sur la qualité et la pérennité de la langue française, tout en posant des défis disproportionnés à nos entreprises et aux Québécois.
Vers des pénuries importantes
Les propositions actuelles, bien que partant d'une intention louable, nous placent devant un dilemme considérable. Le délai proposé pour la mise en œuvre des nouvelles règles est extrêmement court, et dans plusieurs cas, impossibles à respecter. Par exemple, en exigeant que tous les appareils qui n’auront pas francisé un «on/off» devront cesser d’être vendus au Québec, en quelques semaines. Non seulement ces règles sont cosmétiques, mais elles risquent de limiter drastiquement la disponibilité de produits essentiels pour les Québécois. Des commerçants se verront forcés de retirer une grande partie de leur inventaire sans avoir accès à des remplacements adéquats à court terme, voire à aucun.
Une conséquence directe serait une augmentation significative des achats en ligne auprès de fournisseurs hors Québec, où les exigences linguistiques ne s'appliqueraient pas, et désavantageant les entreprises qui opèrent en sol québécois. En plus de menacer la vitalité économique du Québec, cette situation nuirait ironiquement à la visibilité du français.
La complexité des exigences en matière d’affichage
En outre, pour les commerces et entreprises, le gouvernement propose de nouvelles règles d'affichage qui constitueront un fardeau non négligeable, surtout considérant que des modifications semblables avaient déjà été appliquées il y a moins de cinq ans afin de renforcer la présence du français. Actuellement, ces nouvelles exigences devraient être appliquées rapidement sur des milliers de commerces, avec seulement quelques mois pour se conformer. Cette précipitation contraste fortement avec les engagements initiaux du gouvernement qui, en 2022, avait promis un délai de trois ans pour la mise en œuvre de règles qui, à ce jour, n'ont toujours pas été adoptées. De plus, chaque commerce et entreprise doit s'assurer que tout changement d'affichage soit conforme à ses règles municipales et, souvent, validé par son propriétaire immobilier.
De plus, un grand nombre de zones grises et d’imprécisions laisse prévoir des problèmes d’interprétation, notamment quant aux marques de commerce, dont certaines sont même québécoises ou françaises.
Il est impératif que le gouvernement réfléchisse à l'impact réel de ces réglementations non seulement sur la langue française, mais aussi sur la santé économique de nos entreprises et le bien-être des Québécois. Ces mesures, bien intentionnées pour la préservation de notre patrimoine linguistique, risquent en réalité de nuire à ceux qu'elles cherchent à protéger. Nous sommes sûrs que le gouvernement saura le reconnaitre dans sa révision actuelle.
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Karl Blackburn, président et chef de la direction
Conseil du patronat du Québec
Richard Darveau, PDG
Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction
Charles Milliard, PDG
Fédération des chambres de commerce du Québec
Véronique Proulx, PDG
Manufacturiers et Exportateurs du Québec
François Vincent, vice-président Québec
Fédération canadienne de l’entreprise Indépendante