Tout près du quart (23%) des ménages dont le revenu annuel brut est de plus de 100 000$ rapportent avoir vécu au moins une situation d’insécurité alimentaire et 8% d’entre eux sont en situation d’insécurité sévère. (Photo: 123RF)
Les Québécois s’appauvrissent de plus en plus et à une vitesse inquiétante, si l’on se fie au portrait de l’insécurité alimentaire publié mercredi par la firme Léger pour le compte de la guignolée des médias.
Les jeunes sont massivement touchés par l’insécurité alimentaire, de même que les personnes à revenu modeste, mais on constate que même les mieux nantis commencent à en souffrir.
Le sondage Léger nous apprend ainsi que près d’un Québécois sur trois (32%) s’est retrouvé en situation d’insécurité alimentaire au moins une fois en 2023, comparativement à un peu plus d’un sur cinq (22%) en 2020. Cette hausse de 10 points de pourcentage a laissé les sondeurs pantois. «Ce sont des résultats qui ne sont pas faciles à partager pour nous et pour l'ensemble de ceux qui les ont regardés», a reconnu le vice-président exécutif de Léger, Christian Bourque, lors de la présentation du sondage mercredi.
Plus encore, souligne-t-il, la proportion de personnes souffrant d’insécurité alimentaire sévère a presque doublé durant cette période, passant de 8% à 14%. «C'est une augmentation majeure», se désole-t-il.
Manger mal ou ne pas manger du tout
La mesure d’insécurité alimentaire repose sur un éventail de questions sur les habitudes alimentaires, allant du fait de se priver de repas équilibrés à ne pas manger durant toute une journée faute de moyens. Entre les deux, on a évalué une série de comportements liés au manque d’argent pour se nourrir, notamment: la peur de manquer de nourriture; le fait de manquer de nourriture, de manger moins, de réduire les portions ou de sauter des repas; d’avoir faim sans pouvoir manger ou encore d’avoir perdu du poids par manque de moyens pour s’alimenter.
Les proportions de personnes sondées ayant répondu occasionnellement, parfois, souvent ou constamment sont en hausse pour chacune de ces questions.
Un jeune sur quatre en insécurité sévère
Tout près de la moitié (48%) des 18-24 ans se retrouvent «à l’occasion» en situation d’insécurité alimentaire, mais pas moins d’un sur quatre serait en situation d’insécurité sévère.
Sans surprise, la situation est encore pire pour les ménages à faible revenu —ceux dont le revenu annuel brut est inférieur à 40 000$— dont plus de la moitié (52%) ont connu au moins une situation d’insécurité alimentaire. Là aussi, le quart d’entre eux se retrouvent en situation d’insécurité sévère.
Même les ménages à plus de 100 000$
Ce qui surprend, toutefois, est qu’une part des ménages dans toutes les tranches de revenu supérieur à 40 000$ ont aussi éprouvé de l’insécurité alimentaire. Tout près du quart (23%) des ménages dont le revenu annuel brut est de plus de 100 000$ rapportent avoir vécu au moins une situation d’insécurité alimentaire et 8% d’entre eux sont en situation d’insécurité sévère.
Le fait de travailler ne représente donc pas un rempart contre l’insécurité, puisque 38% des répondants ayant un emploi disent en avoir souffert à des degrés divers. «Pour plusieurs, le fait de travailler n'est pas suffisant pour les préserver de situations reliées à l'insécurité alimentaire», constate Christian Bourque.
«On se doit, en tant que société, de regarder de près ces résultats. (...) Que 38% des gens qui sont au travail vivent une forme d'insécurité alimentaire, c'est encore une fois un résultat qui nous jette à terre», ajoute-t-il.
On ne se surprendra donc pas que «de plus en plus de gens doivent avoir recours à l'aide alimentaire ou connaissent quelqu'un tout près d'eux, dans leurs familles ou leurs amis proches, qui ont eu à le faire», note le sondeur.
Alors qu'on nous apprend que 13% des Québécois disent avoir eu recours à une aide alimentaire ou connaître un proche qui l'a fait, chez les ménages qui ont un revenu de moins de 40 000$, ce sont 18% d'entre eux qui ont dû recourir à l'aide d'une banque alimentaire.
Le sondage a été réalisé en ligne entre le 10 et le 12 novembre 2023 auprès d’un échantillon de 1008 personnes représentatives de la société québécoise. À titre indicatif, la marge d’erreur maximale d’un échantillon probabiliste de même taille est de plus ou moins 3%, 19 fois sur 20.
Par Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne