Depuis Lac-Mégantic, nous communiquons mieux

Publié le 05/07/2023 à 07:30, mis à jour le 07/07/2023 à 08:53

Depuis Lac-Mégantic, nous communiquons mieux

Publié le 05/07/2023 à 07:30, mis à jour le 07/07/2023 à 08:53

La catastrophe de Lac-Mégantic a coûté la vie à 47 personnes et a profondément ébranlé toute une communauté. (Photo: Ian Willms/Getty Images)

EXPERT INVITÉ. La catastrophe de Lac-Mégantic a coûté la vie à 47 personnes et a profondément ébranlé toute une communauté. Ce fut aussi un moment marquant dans la gestion des communications au Québec. Une décennie après la tragédie, un constat s’impose: nous avons appris et nous communiquons mieux.

Souvenons-nous à quel point la Montreal, Maine and Atlantic Railway (MMA) avait été mauvaise dans ses communications de crise. Nous étions en juillet 2013 et pourtant, on se serait cru au siècle précédent. À l’époque du On en dit le moins possible parce que nos avocats ne veulent pas qu’on parle et la tempête sera oubliée.

Le 24 juillet, au cœur de la tempête, je brossais dans les pages du Devoir un tableau de la situation ahurissante du point de vue de la communication — une situation engendrée de toute pièce par le déni, au sein de la MMA, de l’importance d’une communication rapide, honnête et transparente.

Dans tous types de crises, la communication devient — si elle est bien faite — un facteur d’atténuation de la situation vécue, tout en contribuant aux efforts de reconstruction. En revanche, une mauvaise communication risque grandement d’envenimer la crise.

Dès le début de la crise, le réputé magazine Forbes a déploré la gestion de la MMA. Selon Mesure Média, le score de performance de la MMA pour cette retombée médiatique est ici de -125% sur 200%. (Source: Capture d'écran Forbes.com)

Quatre leçons à retenir de 2013:

J’ai retenu principalement quatre leçons de cette crise:

1) Une lecture du XXe siècle de la situation par la MMA. Il y avait un écart considérable avec une société rendue au XXIe siècle.

2) L’empathie de Pauline Marois. Très rapidement, la population de Lac-Mégantic et celle de tout le Québec ont compris que la première ministre était aux commandes: d’abord à distance, puis sur les lieux quelques heures plus tard ;

3) L’authenticité de Colette Roy-Laroche. L’inexpérience de la mairesse à gérer une crise de cette ampleur a rapidement été comblée par sa présence continuelle et son côté apaisant ;

4) La présence de Geneviève Guilbault. À l’époque directrice des communications du Bureau du coroner du Québec, elle a été une porte-parole crédible auprès du public et disponible pour les médias.

Ces excellentes communicatrices ont dégagé une image à la fois de sensibilité et de bonne foi.

 

Puis, il y a eu une pandémie…

La même approche a été utilisée à partir de 2020 lorsque la pandémie a débuté — cette fois, avec des intervenantes et intervenants différents. En effet, nous avons eu droit à:

1) Une lecture du XXIe siècle au sein du gouvernement du Québec. La cellule de crise — formée du premier ministre, de ministres clés, de conseillers politiques et de stratèges du Secrétariat à la communication gouvernementale — a été très efficace ;

2) L’empathie de François Legault. Personne n’a oublié son approche rassurante et pratico-pratique lors de ses points de presse de 13 heures, sûrement plus écoutés que District 31 ;

3) L’authenticité du Dr Horacio Arruda. Malgré quelques dérapages, on ne peut lui reprocher ses explications venues du fond du cœur, en direction des nôtres.

4) La présence de plusieurs spécialistes de la santé. Sortis de l’anonymat, Dre Caroline Quach-Thanh, Dre Mylène Drouin, Dr Luc Boileau, Dr François Marquis, la gestionnaire Sonia Bélanger — devenue ministre — et quelques autres ont vulgarisé des contenus souvent arides et ont su rassurer.

 

Durant une crise, la situation évolue d’heure en heure, comme un avion qui se construit en plein vol!

 

Où en sommes-nous en 2023?

Voici cinq observations qui montrent que le Québec a changé et que les organisations privées et publiques, tout comme les médias, ont évolué:

1) Les réseaux sociaux génèrent toujours plus de bruit et de distorsion. À travers du contenu de qualité, tout un chacun peut y véhiculer des éléments tronqués ou carrément faux, en plus d’insulter. Et l’intelligence artificielle n’y a fait que ses premiers pas…

2) Les médias traditionnels n’ont pas dit leur dernier mot. Les sujets qui font l’actualité puisent généralement leur origine à la radio, à la télévision ou dans les quotidiens en version tablette ou papier, où malgré une situation économique difficile, il s’y fait encore du journalisme d’enquête. Les réseaux sociaux s’abreuvent énormément des médias traditionnels.

3) Les gestionnaires comprennent mieux les communications. Grâce à leurs formations et leurs expériences, ils et elles ont compris la différence entre cette fonction-conseil stratégique et le tape-à-l’œil, de même que l’importance d’une réputation construite solidement et la valeur ajoutée de la responsabilité sociale.

4) Les avocats font moins de communication. Parce que les gestionnaires comprennent mieux les expertises des uns et des autres, ils et elles circonscrivent souvent mieux les interventions de leurs spécialistes du droit et des communications. Le travail en synergie ne s’en porte que mieux! Ainsi, cet extrait d’une fable de Jean-Pierre Claris de Florian demeure d’actualité: «Chacun son métier et les vaches seront bien gardées».

5) Les stratèges en communication gèrent avec des données. Elle est révolue l’époque où l’on entendait: «les gens du marketing ont des données, nous en com on n’en a pas besoin…». En 2023, les gains et les déficits de réputation des organisations, des marques et des personnalités sont mesurés par des spécialistes de la mesure des médias.

 

À retenir:

• Qu’une crise survienne au sein d’une organisation publique ou privée, la recette pour une gestion réussie est la même. Par exemple, communiquer les faits disponibles et vérifiés, au fur et à mesure ;

• Ceux et celles qui ont encore le réflexe de jouer à l’autruche sont de moins en moins nombreux et… crédibles ;

• Gérer, c’est analyser ce qui a le plus d’importance. Or, la réputation est le bien intangible le plus important! C’est vers des spécialistes qu’il faut se tourner.

À propos de ce blogue

Stratège en communication, Pierre Gince est l’un des deux co-fondateurs de la firme d’analyse et d’évaluation des médias Mesure Média. Professionnel des communications depuis 1976, il a une vision entrepreneuriale qui met l’accent sur l’éthique. Très engagé dans l’industrie des communications, il a reçu de la Société québécoise des professionnels en relations publiques (SQPRP), en 2016, le prestigieux Prix Yves-St-Amand afin de récompenser la façon dont il s’est distingué au cours de sa carrière. Régulièrement, il commente dans les médias, l’actualité du point de vue de la réputation (notamment sur lesaffaires.com, le Grenier Magazine, à Radio-Canada et au 98,5 FM). Co-auteur (avec Marie Grégoire) des livres Robert Bourassa et nous et René Lévesque et nous — en 2019 et 2020. Co-auteur (avec Monique Giroux) de Félix Leclerc et nous en 2022. Et co-auteur (avec Steven Finn) de Guy Lafleur et nous en 2023.

Pierre Gince

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