Certaines entreprises savent multiplier différentes stratégies et déploient des trésors d’imagination pour recruter et garder leurs employés. (Photo: Leon pour Unsplash)
BILLET. « Enfin! » C’est le cri du cœur qui est sorti à l’annonce des mesures de déconfinement. Enfin, il sera possible de rêver et de se projeter dans l’avenir. Ce vent d’optimisme qui balaye la province actuellement, les dirigeants d’entreprises le ressentent également. Ce sont 72 % des PDG canadiens qui prévoient une croissance au cours des 12 prochains mois, selon l’enquête annuelle de PwC auprès des chefs de direction. Cette donnée a son importance : plus ils croient en l’avenir, plus ils investissent, et donc, plus « ça va bien aller » pour l’économie.
Pour soutenir cette croissance, 60 % prévoient embaucher. C’est là où le bât blesse. Actuellement, 94 % des entreprises de la province font face à un problème de main-d’œuvre, selon le Conseil du patronat du Québec. On a rarement vu une situation qui fasse autant l’unanimité, toutes tailles et industries confondues !
La pandémie a temporairement masqué le problème de la pénurie, puis elle l’a même accentué. Que ce soit à cause d’une nouvelle quête de sens, d’une retraite anticipée ou de l’envie de se lancer dans l’entrepreneuriat, les recruteurs ont constaté une recrudescence du nombre de personnes qui ont depuis quitté le marché du travail sans avoir l’intention d’y revenir. Parmi ceux qui restent, plus de la moitié ont révélé à Hays Canada envisager de quitter leur emploi.
Sans surprise, c’est donc un peu le « Far West » : plus aucune règle ne s’applique, les entreprises se battent pour les mêmes talents, tandis que certains agissent sans foi ni loi puisque le rapport de force est en leur faveur. Les témoignages de candidats ne répondant plus aux appels, de nouveaux employés ne se présentant pas leur premier jour de travail ou encore quittant leur poste après quelques semaines, attirés par les sirènes d’une autre entreprise, se multiplient.
Le désespoir est palpable chez les gestionnaires. La une à laquelle vous avez échappé, c’est un dirigeant s’arrachant les cheveux de frustration, tant cette image illustre pour beaucoup ce que représente la pénurie dans leur quotidien. Au-delà des chiffres, la pénurie est une difficulté réelle à concrétiser les projets en raison du manque de personnel. Pour s’en sortir, certains refusent des contrats, d’autres ajoutent des tâches supplémentaires aux équipes existantes.
C’est l’angle mort actuel lorsqu’on parle de pénurie : les employés qui sont bel et bien dans l’entreprise et qui essayent de combler les besoins tout en gérant la pression accrue, jusqu’à l’épuisement parfois. Déjà, l’adaptation constante aux conséquences de la pandémie fait l’effet d’un marathon couru comme un sprint. Aujourd’hui, la ligne d’arrivée a beau être proche, tout le monde est éreinté.
Dans un tel contexte, publier notre historique classement des entreprises comptant le plus grand nombre d’employés prend une tout autre dimension. L’an dernier, au cœur de cette crise sans précédent durant laquelle de nombreuses entreprises se sont retrouvées à faire des choix déchirants pour survivre, nous avions pris la décision de ne pas publier notre fameux « 500 ». Nous sommes donc particulièrement heureux d’être de retour cette année avec ce classement. Cependant, signe des temps, il s’agit d’un top 300. Certaines entreprises ne sont en effet toujours pas prêtes à nous dévoiler leur nombre d’employés actuels, à un moment où elles tentent encore de se remettre. C’est bien légitime. Plutôt que de faire l’impasse sur ce précieux outil de développement d’affaires régulièrement plébiscité par nos lecteurs, nous avons préféré publier l’information des entreprises ayant accepté de jouer le jeu, ce dont nous les remercions.
Ce que montre ce classement, réalisé en partenariat avec SOM, c’est que certaines tirent leur épingle du jeu. Elles savent multiplier différentes stratégies et déploient des trésors d’imagination pour recruter, comme vous pourrez le lire dans notre dossier spécial.
Attraction, rétention, formation, immigration… quelles que soient les solutions choisies, une chose est certaine : être une entreprise où il fait bon travailler reste un atout incomparable. Celles qui sont dotées de politiques de ressources humaines solides ont plus de chances de garder leurs employés actuels, d’en attirer des nouveaux et d’augmenter leurs ventes, révèle un rapport de la BDC. La marque employeur n’est donc pas juste le dernier concept à la mode, c’est un défi majeur qui doit être au cœur de la stratégie d’affaires. C’est de plus un des rares facteurs sur lesquels les entreprises ont du contrôle au milieu du chaos actuel. Une raison supplémentaire s’il en est de chouchouter ses employés.
Marine Thomas
Rédactrice en chef, Les Affaires
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@marinethomas