Chaque fois qu’on crée 10 emplois manufacturiers, on crée dans le même temps 7 emplois dans les services. (Photo: Science in HD pour Unsplash)
BLOGUE INVITÉ. Même si le Québec compte 17 régions administratives, le poids économique de l'île de Montréal est prépondérant. La métropole affiche un PIB manufacturier de 17 milliards de dollars (G$), loin devant les autres régions. En revanche, sa croissance stagne depuis des années, et la fabrication continue de croître au Québec grâce aux régions.
Comme dit le dicton, quand on ne croît pas, on recule.
Une chance que l’ouest de l’île tient bon avec la grande agglomération de Saint-Laurent et de ses environs, qui accueille la plus grande concentration d’entreprises manufacturières au Québec, notamment celles à plus grande valeur ajoutée.
Cela dit, il se passe des choses plutôt intéressantes du côté des régions, notamment au niveau des deux Rive-Sud des villes centres que sont Montréal et Québec.
Par exemple, le PIB manufacturier de la Montérégie dépasse maintenant les 10 G$ et celui de Chaudière-Appalaches les 5 milliards $, ce qui n’est pas rien.
Ce Top 3 des bastions industriels du Québec représente à lui seul 64% du PIB manufacturier québécois. Mentions honorables aux régions des Laurentides et de la Capitale-Nationale, pour avoir atteint 3 G$ de PIB manufacturier.
La masse critique est certes importante, mais elle ne dit pas tout sur la vitalité des territoires. La croissance du PIB manufacturier et la part du PIB industriel dans l’économie d’une région sont des indicateurs tout aussi précieux.
Un secteur plus important qu’en Chine
Le cas de figure de Chaudière-Appalaches est probant.
En plus de sa forte masse critique d’entreprises (la région est au 3e rang sur le plan du PIB manufacturier au Québec), Chaudière-Appalaches se classe aussi au 3e rang des 17 régions administratives au chapitre de la croissance manufacturière.
Depuis quatre ans, le PIB de ce secteur y a progressé en moyenne de 9% par année!
Il y a plus impressionnant encore.
Selon l’Institut de la statistique du Québec, la fabrication représente 28% du PIB total de Chaudière-Appalaches, soit un niveau plus élevé que la part de 27% du secteur manufacturier dans l’ensemble de l’économie chinoise en 2019!
Oui, oui, vous avez bien lu: plus qu’en Chine, selon les données de la Banque mondiale.
Pour reprendre une expression populaire, le Québec manufacturier des régions est «en feu» en matière de développement économique.
Huit régions dépassent le poids moyen du PIB manufacturier dans l’ensemble économie du Québec qui s’établit à 13,5%, d’après Statistique Canada.
Huit régions ont enregistré une croissance manufacturière annuelle de plus 5% sur les 4 dernières années statistiques disponibles.
Ce dynamisme n’a pas échappé à l’attention de la classe politique, qui a bien compris l’impact majeur des entreprises manufacturières dans leur région.
Ces sociétés offrent des emplois de qualité et bien rémunérés, avec un salaire moyen 17% supérieur à celui du secteur des services.
Elles sont très innovantes, car le secteur manufacturier représente près d’un dollar sur deux des dépenses réalisées en innovation au Québec.
On peut également ajouter la contribution du secteur manufacturier à la grande majorité des exportations du Québec, qui créent de la richesse dans les régions, ou encore en raison de son impact indirect et son effet multiplicateur sur l’emploi.
Un antidote pour ralentir l’exil des jeunes
Ainsi, chaque fois qu’on crée 10 emplois manufacturiers, on crée dans le même temps 7 emplois dans les services.
Enfin, pour les gouvernements de proximité, la fabrication représente aussi un antidote pour ralentir l’exil des jeunes des régions.
Car, grâce à son ADN d’innovation et d‘internationalisation, sans parler de son potentiel d’intégrer l’économie circulaire, le secteur manufacturier peut répondre à des thématiques prisées par les jeunes.
Reste maintenant aux leaders de l’industrie d’être de meilleurs marketeurs afin de «vendre» ces atouts.
Mais quelle est la recette du succès du Québec des régions?
Le secteur manufacturier contribue à la grande majorité des exportations du Québec. (Photo: 123RF)
Rien de vraiment sorcier quand on y pense.
Un contexte d’éloignement crée souvent une culture de solidarité et d’entraide. Celle-ci fait en sorte qu’on peut rassembler plus facilement les forces vives d’une région —élus, entreprises, organismes d’appui et services — autour de la même table de concertation.
Cette situation est idéale pour cerner les enjeux et parfois affronter les difficultés, trouver les bonnes solutions, mettre en commun les ressources, et surtout jouer en équipe et gagner.
Un sentiment de fierté régionale en ressort, qui pousse chacun à s’activer et à concrétiser des projets.
Pour autant, cette recette pas nécessairement facile à reproduire, et elle n’est pas non plus une potion magique pour les régions qui sont souvent moins avantagées que les grands centres.
Des fleurons partout sur le territoire
Une fois cette nuance faite, force est de constater que cette recette continue de faire des miracles en région, avec la création, le développement et le maintien d’entreprises de taille appréciable, mondiale et leader dans leur secteur.
Qui aurait cru par exemple au développement phénoménal de la multinationale Premier Tech à partir de son berceau de Rivière-du-Loup? Je rappelle que l’entreprise possède un réseau de 47 usines et emploie 4 700 employés dans 17 pays, dont 1 000 à Rivière-du-Loup.
C’est la même chose pour le rôle socio-économique incontournable de Cascades, dans le Centre-du-Québec, ou encore de l’impact colossal de Chantiers Chibougamau, dans le Nord-du-Québec.
Soulignons enfin la présence de BRP, en Estrie, de Canam, en Chaudière-Appalaches, de Synapse Électronique, en Mauricie, ou encore d’Intersand, en Montérégie.
Saviez-vous qu’Intersand exporte des litières pour chat innovantes — fabriquées par un réseau d’usines 4.0 canadiennes et américaines— dans plus de 40 pays, et ce, à partir de son siège social de Boucherville?
Ce sont toutes des organisations sophistiquées, qui doivent affronter les forces du marché au Québec et ailleurs dans le monde, en plus de demeurer hautement compétitives.
Ces entreprises manufacturières se donnent toutes également une vocation régionale, en contribuant à l’économie locale, en améliorant bien-être de la population et pourquoi pas en renforçant la «marque» de leur coin de pays.
Sur une note plus légère, on pourrait dire que Lourdes, Fatima ou Compostelle ne sont pas de grands centres. Pourtant, ces noms résonnent dans nos têtes, car ces trois villes n’ont pas trop mal fait en termes de notoriété, d’attractivité et de branding pour la France, le Portugal ou l’Espagne.
Ce n’est pas rien de devenir une référence.
Surtout dans le département des miracles!