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ANALYSE DU RISQUE - À moins d'une surprise de taille, les producteurs de bois d'oeuvre canadiens doivent se préparer à de nouvelles mesures pour restreindre leurs exportations aux États-Unis.
Et selon diverses sources de l'industrie, ces mesures prendraient probablement la forme d'un quota, car des droits à l'exportation n'empêcheraient pas nécessairement des entreprises canadiennes efficaces de vendre malgré tout leur bois aux États-Unis.
Mais pour l'instant, le Canada et les États-Unis sont techniquement en situation de libre-échange.
Depuis la fin de l'Accord de 2006 sur le bois d'oeuvre résineux, en octobre dernier, les producteurs canadiens peuvent en effet expédier leurs bois sur le marché américain sans payer de droits à l'exportation.
L'accord de 2006 comprenait des tarifs et des quotas en fonction du prix du bois aux États-Unis.
Or, cette période de libre-échange ne durera pas longtemps, estime Carl Grenier, professeur en commerce international à l'Université Laval et à l'École nationale d'administration publique (ÉNAP).
Pourquoi? Parce qu'Ottawa souhaite conclure un nouvel accord sur le bois d'oeuvre avec Washington, un enjeu qui sera abordé cette semaine, à Washington, entre le premier ministre Justin Trudeau et le président Barack Obama
«Ce sera plus restrictif que le dernier. Au fil des décennies, les accords sur le bois d'oeuvre sont toujours de plus en plus restrictifs pour le Canada», affirme l'ancien directeur de l'ex-Conseil du libre-échange pour le bois d'oeuvre (CLE-BOIS).
Le Canada a raison sur le fond
Depuis le début des années 1980, les États-Unis ont mené quatre enquêtes pour évaluer si le Canada subventionnait son industrie, faisait du dumping aux États-Unis, et si les exportations canadiennes causaient des dommages à l'industrie américaine.
Or, à chacune de ces occasions, les autorités américaines n'ont jamais pu prouver quoi que ce soit, rappelle Carl Grenier. «Nous avons gagné à chaque fois!»
L'Organisation mondiale du commerce (OMC) et le tribunal d'arbitrage de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) ont aussi toujours donné raison au Canada.
Depuis, certaines provinces comme le Québec ont réformé leur régime forestier afin que le prix du bois récolté sur les terres publiques soit établi sur la base de mécanismes de marché (des enchères).
Au Québec, ce régime est en place depuis 2013.
Un régime qui pourrait aider l'industrie québécoise à se mettre à l'abri de nouvelles constestations aux États-Unis, croit pour sa part André Tremblay, président du Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ).
«Nous avons des règles de libre-marché», dit-il.
Selon lui, le Canada doit justement profiter de la conjoncture pour faire réaliser aux Américains que le Québec a une industrie qui fonctionne comme aux États-Unis, et que les expéditions des producteurs québécois sur le marché américain sont légitimes.
«Si on ne le fait pas maintenant, quand le fera-t-on?», s'interroge André Tremblay, en admettant toutefois qu'il y a un risque que les États-Unis imposent de nouvelles mesures restrictives à l'industrie canadienne.
À vrai dire, les arguments rationnels ont peu de poids dans cet enjeu commercial entre le Canada et les États-Unis, soulignent des analystes.
Car, malgré les décisions successives de l'OMC et des tribunaux de l'ALÉNA favorables au Canada, les Américains persistent et signent: ils veulent limiter l'accès à leur marché américain quand les prix du bois sont faibles aux États-Unis ou que le taux de change favorise les exportateurs canadiens - comme en ce moment.
Le lobby du bois aux États-Unis veut un autre accord
En octobre, la U.S. Lumber Coalition - le puissant lobby américain du bois d'oeuvre qui est bien branché à Washington - a publié un communiqué dans lequel elle semble indiquer que le libre-échange sera de courte durée entre les deux pays.
«Nous espérons que le Canada fera usage de cette année prochaine [2016 est une année transitoire, sans hostilité en principe, selon une clause de l'Accord de 2006] pour travailler de manière constructive avec le gouvernement des États-Unis pour obtenir un accord stable et efficace que toutes les parties pourront appuyer.»
Il va sans dire que la situation actuelle crée une certaine incertitude dans l'industrie au Canada.
Par exemple, chez Produits forestiers Résolu, on dit appuyer sans réserve la position du Conseil de l'industrie forestière du Québec.
Par contre, l'entreprise refuse de dire si elle se prépare en prévision de nouvelles mesures restrictives sur les exportations canadiennes de bois d'oeuvre aux États-Unis.
Entre 2006 et 2015, l'industrie québécoise a perdu des milliers d'emplois en raison des droits et des quotas imposés par les Américains. La Grande récession a aussi fait mal aux exportateurs québécois.