«Que ce soit par la transmission d’une éthique de travail dès le plus jeune âge, l’importance de l’indépendance financière, ou en favorisant le développement précoce de compétences, tous ces éléments sont les piliers d’une fondation solide pour le rachat de l’entreprise familiale.» (Photo: 123RF)
EXPERTE INVITÉE. Le transfert d’entreprise est un terme qui laisse croire à certaines personnes qu’il pourrait s’agir d’un don et non d’un rachat.
Souvent dans ma vie, les gens ont pensé que mes frères, ma sœur et moi étions des enfants gâtés. Nous n’avons jamais manqué de rien, mais nous étions loin d’être gâtés. Nous avons été financièrement indépendants assez jeunes dans notre vie et cela a été à la sueur de notre front. Le rachat de l’entreprise familiale s’est fait en plusieurs étapes. La première étape a été entamée dès notre enfance et est encore d’actualité aujourd’hui, cinq ans après avoir racheté l’entreprise. C’est le transfert des valeurs.
Différents types d’éducation
Une partie de nos amis ont reçu de l’argent de poche pour faire la vaisselle, alors que chez nous, c’était une obligation depuis toujours. Nous avons commencé à travailler jeunes, plusieurs années avant nos amis.
À l’âge de 14 ans, nous devions payer cinquante pour cent de nos dépenses, incluant nos appareils dentaires. À partir de 18 ans, en plus de payer une pension alimentaire, nous devions payer toutes nos dépenses, y compris les frais de scolarité, alors que certains de nos amis recevaient des cadeaux pour les bonnes notes dans leurs bulletins. Différentes mentalités, certes. L’une meilleure que l’autre? Difficile à dire. Certains de mes amis qui ont été plus gâtés ont repris des entreprises familiales, et d’autres amis ayant gagné et géré leur argent depuis leur jeune âge ont aussi racheté des entreprises.
Cependant, dans tous les cas, les parents ont intéressé leurs enfants aux affaires et les ont sensibilisés à différents aspects entourant l’entrepreneuriat, que ce soit au niveau du climat politique, de l’économie, de la fiscalité ou encore des bouleversements sporadiques venant brasser les cartes du jeu. En général, j’ai l’impression que les entrepreneurs d’aujourd’hui sont les enfants bien informés et opiniâtres d’hier.
Pas besoin d’être érudit pour être entrepreneur
«Ton attitude, bien plus que tes aptitudes, déterminera ton altitude». Autrement dit, une persévérance à toute épreuve est requise dans le monde des affaires. Mon père nous a souvent répété cette phrase, à mes trois frères, ma sœur et moi.
En tant que copropriétaire d’une entreprise familiale, on me demande souvent si nous nous disputons parfois. Je réponds toujours qu’étant donné que nous avons chacun nos champs d’intérêt et nos départements, les frictions sont plutôt rares. On pourrait presque croire que nos parents nous ont façonnés précisément pour accomplir notre travail dans chacun de nos domaines d’intérêt respectifs, sans nous marcher sur les pieds. C’est peut-être un peu exagéré, mais ils ont certainement contribué à modeler des personnalités et des caractères complémentaires parmi leurs cinq enfants.
Par contre, ce dont je suis certaine, c’est qu’ils ont fait preuve de patience et de répétition pour nous transmettre des valeurs qui leur étaient chères, afin qu’un jour nous puissions travailler ensemble et racheter l’entreprise.
Le processus d’une vie
Que vous fassiez des affaires ou non, vous êtes sans doute conscient du comportement que vous adoptez envers vos enfants. Étant mère de trois jeunes filles, je n’ai certainement pas atteint, du haut de mes 29 ans, l’équilibre parfait entre vie familiale et vie professionnelle.
De plus, je me questionne constamment à savoir si j’agis de la bonne manière avec elles, si je suis assez ou trop stricte, si je les pousse assez ou trop vers l’autonomie, la débrouillardise et le sens du devoir accompli.
Il m’arrive souvent de me demander si je transmets les bonnes valeurs pour les aider à développer leur plein potentiel, et je me demande fréquemment «comment mes parents ont-ils fait avec nous». À travers leur quotidien et leurs valeurs, mes parents, ainsi que ceux de mes amis entrepreneurs, ont su développer des compétences chez leurs enfants qui ont pris la relève de leur entreprise. Que ce soit par l’expérience pratique ou par une formation formelle, certains aspects de la personnalité de nos enfants peuvent être développés.
Il est bien connu que le transfert d’entreprise est un long processus, mais il est intéressant de savoir qu’une des étapes cruciales est le partage des valeurs. Que ce soit par la transmission d’une éthique de travail dès le plus jeune âge, l’importance de l’indépendance financière, ou en favorisant le développement précoce de compétences, tous ces éléments sont les piliers d’une fondation solide pour le rachat de l’entreprise familiale.
Ainsi, le transfert d’entreprise devient un véritable processus de vie, où les valeurs inculquées deviennent le ciment qui assure la continuité et le succès de l’entreprise sur les générations.
Je n’ai pas la science infuse, mais ce billet est ma perspective sur la façon dont la préparation dès le plus jeune âge, combinée à des valeurs solides, peut façonner le succès à long terme d’une entreprise familiale.
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