En 2021, ArcelorMittal a annoncé un projet à son usine de bouletage de Port-Cartier afin de produire uniquement des boulettes de fer à réduction directe à compter de 2025. Cette boulette est utilisée par des aciéristes afin de fabriquer de «l’acier vert», beaucoup moins intense en carbone.
À l’instar du lithium, du graphite ou du nickel, le fer devait lui aussi figurer sur la liste des minéraux critiques et stratégiques (MCS) du gouvernement du Québec, affirme le président et chef de la direction d’ArcelorMittal Mines et infrastructure Canada, Mapi Mobwano.
En 2020, le gouvernement Legault a lancé le Plan québécois pour la valorisation des minéraux critiques et stratégiques (2020-2025). Il comprenait une liste préliminaire de 22 MCS qui sont «indispensables à la transition énergétique et technologique, tant à l’échelle nationale qu’internationale». Or, le minerai de fer n’y figurait pas.
Les MCS sont essentiels dans plusieurs secteurs. Par exemple, des entreprises utilisent du cobalt, du lithium, du nickel et du graphite dans la fabrication des batteries pour les téléphones intelligents ou les voitures électriques.
Des industriels peuvent aussi utiliser des éléments du groupe du platine — présents sur la liste du gouvernement — pour fabriquer les disques durs d’ordinateurs.
Favoriser la deuxième transformation
En entrevue avec Les Affaires, Mapi Mobwano, explique que l’inclusion du minerai de fer sur la liste des MCS donnerait un second souffle à sa transformation dans la province.
«Cette reconnaissance favoriserait la deuxième transformation du fer au Québec», soutient le patron de la société minière active au Québec, sur la Côte-Nord, avec une mine de fer à Fermont (mine du mont Wright) et une usine de bouletage de fer à Port-Cartier. Or, actuellement, le minerai de fer du Québec est surtout exporté pour être transformé ailleurs. Dans sa stratégie, le gouvernement a créé des programmes pour soutenir la R-D pour l’extraction, la transformation et le recyclage des MCS au Québec. C’est pourquoi Mapi Mobwano estime qu’une reconnaissance aiderait au développement de la filière du fer au Québec, d’autant plus que le minerai y est de grande qualité — il contient peu de silice, présente dans de nombreux minerais.
«Le minerai de fer ailleurs dans le monde a un taux de silice trop élevé, qui est en plus difficile à réduire», souligne-t-il. À ses yeux, cette qualité confère au minerai québécois un caractère unique pour produire de l’«acier vert», un matériau faible en carbone, de plus en plus demandé dans l’industrie automobile et la construction, par exemple.
En 2021, ArcelorMittal a d’ailleurs annoncé un projet à son usine de bouletage de Port-Cartier afin de la positionner dans la chaîne d’approvisionnement pour produire cet acier vert.
Il s’agit d’un investissement de 205 millions de dollars (M $).
Québec y contribue sous la forme d’une réduction de ses coûts d’électricité, qui devraient s’élever à près de 80 M$. Le gouvernement peut bonifier cette aide si certains critères concernant la réduction des gaz à effet de serre (GES) sont atteints.
Ce projet consiste à modifier le procédé pour produire uniquement des boulettes de fer à réduction directe à compter de 2025. Actuellement, ce type de boulette représente 25% de la production totale de l’usine, qui s’élève à 10 millions de tonnes par année.
Les boulettes de fer à réduction directe (faible en silice) sont le nerf dans la guerre dans la sidérurgie.
Les aciéristes doivent absolument s’en servir pour produire de l’acier vert dans les fournaises à arc électrique, la nouvelle génération de fourneaux moins polluants que les hauts fourneaux traditionnels.
Deux bienfaits
Le projet Port-Cartier aura deux effets sur l’environnement, selon l’entreprise.
D’une part, il permettra de réduire les émissions de GES au Québec de 200 000 tonnes équivalentes CO2 par année, dès 2025. Cela équivaut à retirer plus de 57 600 véhicules sur les routes.
D’autre part, à compter de 2025, l’utilisation des boulettes à réduction directe produites à Port-Cartier permettra aux aciéries au Canada (ArcelorMittal exploite des aciéries au Canada, ont une à Contrecoeur) et ailleurs dans le monde de diminuer leurs rejets de GES, en faisant de l’acier vert.
Ces réductions potentielles sont estimées à plus de 2,7 millions de tonnes équivalentes de CO2 par année, soit grosso modo 778 000 véhicules retirés des routes.
Pour l’instant, la minière n’a pas l’intention d’augmenter sa production à Port-Cartier. Cela dit, Mapi Mobwano ne ferme pas la porte à ce scénario si la demande pour ses boulettes augmentait de manière significative.
Il se dit d’ailleurs plutôt optimiste pour la suite des choses en ce qui a trait à la transition énergétique. «Le Québec et le Canada peuvent se positionner comme des producteurs d’acier vert», dit-il.