La vidéo de Pierre Poilievre (sur la photo), dans laquelle il met directement la responsabilité de la pénurie de logements sur les épaules de Justin Trudeau, n'est que sa dernière tentative d'utiliser son importante audience sur les réseaux sociaux pour s'adresser directement aux électeurs potentiels, en particulier aux plus jeunes. (Photo: La Presse Canadienne)
Ottawa — Chaque semaine depuis plus d'un mois, des ministres se présentent devant les caméras sur la colline du Parlement pour tenter de convaincre les Canadiens que le gouvernement libéral a la crise du logement en main.
Depuis le remaniement ministériel du premier ministre Justin Trudeau cet été, ils se sont efforcés de faire du coût de la vie une priorité absolue, dans l'espoir de rattraper les conservateurs sur la question de l'abordabilité.
Le ministre du Logement, Sean Fraser, est apparu mardi aux côtés de la vice-première ministre Chrystia Freeland, cette fois pour annoncer des dépenses de plusieurs millions de dollars pour construire ou moderniser des milliers de logements coopératifs.
Les conservateurs, quant à eux, ont accumulé des millions de clics, de vues et de partages avec une vidéo explicative de 15 minutes, accompagnée de graphiques, de segments d'actualité et d'une narration du chef du parti, Pierre Poilievre.
Bienvenue à l'événement principal de la politique canadienne: la bataille pour devenir le parti auquel les électeurs peuvent faire confiance pour affronter l'un des problèmes les plus urgents du pays.
La vidéo de M. Poilievre, dans laquelle il met directement la responsabilité de la pénurie de logements sur les épaules de M. Trudeau, n'est que sa dernière tentative d'utiliser son importante audience sur les réseaux sociaux pour s'adresser directement aux électeurs potentiels, en particulier aux plus jeunes.
Les deux stratégies illustrent également des points de vue opposés sur les grands médias, un groupe que M. Poilievre et son parti – sans parler de leurs partisans – ont longtemps utilisé comme un sac de boxe politique utile.
«Cela montre à quoi ressemblent les communications politiques modernes, a déclaré Jeff Ballingall, président de Mobilize Media Group, une entreprise de cybermarketing. C'est formidable de voir que l'équipe de Pierre reflète les communications modernes dans la consommation médiatique.»
La dernière vidéo de M. Poilievre présente les arguments des conservateurs «d'une manière convaincante», a estimé M. Ballingall, l'architecte des médias sociaux derrière Ontario Proud et Canada Proud, deux comptes dédiés aux attaques envers M. Trudeau et les libéraux.
Cole Hogan, qui a travaillé sur des campagnes publicitaires numériques pour des conservateurs provinciaux comme le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, et l'ancien premier ministre de l'Alberta Jason Kenney, a déclaré qu'il déconseillerait normalement de réaliser une vidéo comme celle de M. Poilievre.
Non seulement il s’agit d’un effort qui prend beaucoup de temps dans un domaine qui évolue à un rythme très rapide, a indiqué M. Hogan, mais les connaissances actuelles indiquent qu’un contenu court et direct est généralement plus efficace en ligne.
M. Poilievre, cependant, n'est tout simplement pas conventionnel, a-t-il ajouté: «Il est difficile d'imaginer que cela vienne de quelqu'un d'autre.»
L’autre avantage des médias sociaux est qu’ils fournissent des informations détaillées sur qui regarde les publications, sur quelle plateforme et d’où – des informations cruciales en politique, où «les données sont essentielles», a déclaré M. Ballingall.
Rattraper les libéraux sur le numérique
Tandis que les conservateurs saluent le dernier effort de M. Poilievre comme étant un succès, M. Fraser et d'autres libéraux l'accusent d'exploiter les inquiétudes des Canadiens sans offrir beaucoup de solutions pratiques.
M. Poilievre est un «loup déguisé en agneau» qui «fait semblant de comprendre les défis auxquels les gens sont confrontés, mais qui insiste sur le fait qu'il ne proposera pas de solutions qui les aideront réellement», a soutenu M. Fraser.
«En comparant un plan à un autre, c'est clair : nous allons construire plus de logements et plus de logements que les gens peuvent réellement se permettre.»
Vers la fin de la vidéo – que M. Poilievre qualifie de documentaire – il présente un plan de logements en quatre points qui comprend des engagements familiers, comme la vente de terres fédérales et l'obligation de construire davantage de logements comme condition de financement pour les villes.
Cela arrive à un moment où le chef conservateur tient à démontrer qu'il a des idées pour relever les défis qui préoccupent les Canadiens. Une vidéo diffusée en permanence en ligne augmente également les chances que de plus en plus de personnes puissent éventuellement la trouver.
Le stratège conservateur Jamie Ellerton a indiqué que la vidéo de M. Poilievre visait à «renforcer sa crédibilité et à bâtir un sentiment de confiance envers lui et envers les Canadiens en général».
Rattraper les libéraux dans le domaine numérique a été un problème pour le parti avant même que M. Trudeau ne soit élu il y a huit ans, a ajouté M. Ellerton.
«Il est indéniable qu'en 2015, le parti libéral avait un avantage dans le domaine numérique et qu'il était bien plus avancé, a déclaré M. Ellerton. Mais les conservateurs, sous la direction de Pierre Poilievre, ont commencé à rattraper cet écart.»
En tant que dirigeant fédéral, M. Poilievre est davantage un «natif du numérique» qui aide les conservateurs à se familiariser avec le type de contenu et de messages qui fonctionnent bien en ligne, a-t-il soutenu.
«Pierre apporte simplement une nouvelle génération de connaissances au bureau du chef.»
B+ pour la vidéo de Poilievre, selon un professeur
Sur le fond, la vidéo de M. Poilievre obtient une note de B+, a déclaré Christopher Ragan, professeur d'économie à l'Université McGill.
Par endroits, le chef conservateur «joue un peu vite et librement» avec des détails comme le fonctionnement de la Banque du Canada, mais dans l'ensemble, «c'est en fait une assez bonne vidéo», a expliqué M. Ragan.
«Pour l'essentiel, l'histoire qu'il raconte sur les prix de l'immobilier... la baisse de l'abordabilité du logement, les dépenses publiques, les taux d'intérêt — je pense que pour l'essentiel, il a raison.»
De leur côté, les libéraux disent qu'ils ne sont pas inquiets.
«Les campagnes numériques innovantes avant et pendant les élections de 2015, 2019 et 2021» ont joué un rôle important dans la façon dont M. Trudeau a établi ses liens avec les Canadiens, a dit le porte-parole Parker Lund, dans une déclaration.
«Il en sera de même pour les prochaines élections, quand elles se présenteront.»
Par Stephanie Taylor, avec des informations de Nojoud Al Mallees, La Presse Canadienne