Saisis par ses créanciers américains, les 18 immeubles que Georges Marciano a acquis dans le Vieux-Montréal entre 2006 et 2009 se retrouveront sur le marché dans les prochains mois, en principe. Mais difficile de dire combien le syndic pourra en tirer. Le fondateur de Guess Jeans a payé particulièrement cher pour cette collection d'immeubles patrimoniaux dans le quartier historique, selon un évaluateur travaillant dans une firme bien connue.

Le magnat du jean délavé a payé plus de 80 millions de dollars pour ce portefeuille immobilier, incluant le vieux gratte-ciel art deco du 507, Place d'Armes. « À l'époque où il a réalisé ces transactions, on avait remarqué que ces immeubles se retrouvaient parmi les plus dispendieux », dit l'évaluateur consulté par Les Affaires, qui veut garder l'anonymat. À 230 $ le pied carré, cette firme les a d'ailleurs exclus de ses bases d'actifs comparables parce qu'ils « détonnent » trop par rapport aux autres transactions. « Les taux de plus de 200 $ du pied carré et plus sont très rares dans le quartier, pour des immeubles de catégories B et C », assure l'évaluateur consulté.

PLUS : Georges Marciano : une fortune cachée au Canada

PLUS : Les ennuis montréalais du fondateur de Guess Jeans

Par exemple, Georges Marciano a déboursé 22 millions en 2009 pour la pièce maîtresse de son portefeuille : le 507, Place d'Armes, un immeubles de 23 étages où est installé le siège social de Léger Marketing. C'est deux fois l'évaluation municipale à l'époque ! Et ce, pour un immeuble « à moitié vide », assure notre source. Deux ans plus tard, le rôle foncier 2011 de la Ville évalue l'immeuble à 17,28 millions, toujours bien en-dessous du prix payé.

L'homme d'affaires d'origine marseillaise a aussi acquis le 249, rue Saint-Jacques pour 3,25 millions. Encore une fois, c'est le double de l'évaluation de l'époque.

Un seul courtier a piloté ces ventes : Michel Bensmihen, de chez Cushman & Wakefield Lepage. La Cour supérieure du Québec a autorisé son interrogatoire. Selon les documents judiciaires, Michel Bensmihen est administrateur de la fiducie CKSM, où les immeubles du fondateur de Guess Jeans ont été transférés.

« Selon le Registre foncier, plus de 80 millions auraient été payés pour ces immeubles par une fiducie créée seulement un mois plus tôt », écrit l'avocat des plaignants américains, Bernard Boucher. En plus de Georges Marciano et du gestionnaire d'immeubles Yannick Desbiens, il compte donc interroger Michel Bensmihen, « afin, notamment, de déterminer quelle pourrait avoir été la source des fonds utilisés par CKSM, prétendument pour acheter ces immeubles ».

350 000 pieds carrés sur le marché

Christian Bourque, associé chez PricewaterhouseCoopers chargé du dossier, explique qu'habituellement, ce genre de procédures mène à la vente des actifs dans les mois suivants la saisie. « Ça va probablement être une procédure de mise en vente avec courtier, dit-il. Une fois qu'il y a des offres acceptables, nous pourrons aller devant le juge et recommander l'acceptation d'une offre. »

Il précise que la décision de mettre ou non les actifs en vente dépendra de ce qui se passe dans la poursuite principale aux États-Unis, où les dommages et intérêts de 260 millions accordés aux anciens employés de Georges Marciano pourraient être revus à la baisse.

Courtier chez Cityspace, Ricardo Moretti pense que l'arrivée de ces immeubles sur le marché dans le Vieux-Montréal pourrait faire baisser les prix à court terme. « Avoir soudainement 350 000 pieds carrés à vendre, ça va augmenter l'offre considérablement et affecter les prix. »