Les projets de l’homme d’affaires Daniel Gauthier, dans Charlevoix, ne font pas que des heureux. Au point où, l’air de rien, la grogne semble gagner les habitants de Petite-Rivière-Saint-François.
Lundi soir, citoyens et promoteurs promettent d’en faire la démonstration en assistant en masse à une assemblée de la MRC locale, en voie de modifier son schéma d’aménagement.
Au cœur de la tempête: le Projet de règlement 129-11, qui permettrait au Groupe Le Massif de développer aux abords du centre de ski, un projet immobilier qui dépasse en importance tout ce dont les citoyens des environs s’étaient imaginés par le passé.
«C'est à se demander si le beau projet de développement durable de Daniel Gauthier a pris le bord, s’inquiète Sylvie Faria, une citoyenne de l’endroit et membre du Comité de planification stratégique de Petite-Rivière-Saint-François. Pourquoi le Massif demande de tels changements? Nous demeurons dans le noir quant à ses intentions. Tout nous vient au compte-goutte. En l'absence de réponses, on comprend que plusieurs s'inquiètent de voir naître ici un deuxième Tremblant.»
Ambitions immobilières
Ce projet de modification de règlement de 16 pages ouvrirait la porte notamment à la construction de centaines d’unités d’habitations commerciales et résidentielles que ne prévoyait pas le projet initial du Groupe Le Massif.
Par exemple, alors que le groupe a toujours parlé de la construction de 400 unités d’hébergements pour fin locative, le règlement prévoit maintenant la construction de «500 unités», assortie d’une «possibilité d’option de 250 unités additionnelles», renouvelable tous les cinq ans.
En plus de cet hébergement dit commercial, le règlement prévoit aussi la construction dans la montagne d’unités d’habitation dites résidentielles, projet dont il n’avait apparemment jamais été question jusqu’à maintenant. Chose qui eût tôt fait de faire sursauter la plupart des promoteurs immobiliers concurrents.
« Nous savions que le Groupe Massif prévoyait la construction d’hôtels et d’autres unités locatives aux abords de la montagne. Mais il n’a jamais été question avant de construire des maisons ou des condominiums qui seraient vendues par la suite à des particuliers», s’insurge Jonathan Chagnon, promoteur du Versant du Massif, un développement d’une centaine d’unités à quelques kilomètres du domaine skiable.
Comme d’autres, les promoteurs s’inquiètent de la possibilité que les ambitions immobilières du Groupe Le Massif, vienne inonder un marché qu’ils jugent «déjà saturé» et «mal en point». À preuve, un peu plus d’un millier de terrains lotis sur le territoire n’attendraient que l’érection de nouvelles constructions et la municipalité a déjà imposé un moratoire sur tout nouveau projet de développement.
Réserve de la biosphère
«Avec l’effondrement de l’immobilier et la faible valeur de la monnaie américaine, les acheteurs ne courent pas. Le marché actuel ne pourrait absorber tous les projets en cours, dit un promoteur sous le couvert de l’anonymat. Ce que les élus ne semblent pas comprendre, est que s’ils autorisent une tel règlement, il y a risque que les autres projets résidentiels meurent ou subissent une forte baisse de leur valeur.»
Le Groupe le Massif étant de loin le plus important employeur et investisseur de l’endroit, plusieurs hésiteraient à élever la voix contre le projet de règlement et le risque que ce dernier compromette, par une trop forte densité de construction, la beauté des lieux. «On parle tout de même d’un joyaux de la réserve mondiale de la biosphère, il ne faut pas l’oublier», dit M. Chagnon.
Au-delà du débat commercial, c’est ce qui adviendra du village de Petite-Rivière-Saint-François qui inquiète le plus Isabelle Lussier, propriétaire de l’Auberge La Courtepointe. «Si les choses se font à ce rythme et de cette manière, qu’est-ce qui va advenir de notre village que j’aime tant, demande-t-elle? Nous sommes loin des habitations dans les arbres et les maisons sur pilotis le long du fleuve qu’on nous avait présenté au début».
Le Massif ne répond pas
Le pdg du Groupe Le Massif, Claude Choquette, a refusé net toute demande d’entretien avec LesAffaires.com sur le sujet. Il en va de même de sa responsable des communications, Stéphanie Roy.
Plus tôt cette semaine, Mme Roy soutenait dans un article du journal Le Soleil, qu’à défaut d’accepter le projet de règlement, le Massif ne pourrait être «viable économiquement» et qu’en conséquence, le projet du Massif pourrait s’en voir compromis.
Pendant ce temps, le maire de Petite-Rivière-Saint-François, Gérald Maltais fait des pieds et des mains pour tenter de clamer le jeu.
Bien au fait des inquiétudes de la population, ce dernier assure que la municipalité fera tout ce qui est en son pouvoir pour venir «préciser ou resserrer» la plupart des éléments du schéma de la MRC qui inquiètent la population, tant les résidants, les promoteurs, que les villégiateurs.
«Il faut demeurer vigilant, mais on va prendre les moyens pour encadrer tout cela et faire en sorte qu’on puisse encore parler de développement durable. Là-dessus, je peux vous l’assurer, on ne cédera pas.»