SPÉCIAL 300. Pour décrire l’effet de l’intelligence artificielle (IA) générative sur les entreprises, Michel Richer, premier vice-président aux solutions d’entreprise et à l’IA chez Bell, préfère utiliser le terme « transformationnel » que « disruptif ». Parce qu’il nourrit une vision « optimiste » de cette technologie, précise-t-il. On peut le comprendre. Grâce au lancement hâtif de ChatGPT, Bell a pu devancer les dates de plusieurs de ses projets technologiques.
« Très peu de gens dans la communauté de l’IA s’attendaient à un déploiement si rapide et à si grande échelle, reconnaît Michel Richer en entrevue. Désormais, plusieurs choses deviennent possibles. » De manière très concrète, le VP peut reconnaître au moins trois projets qui ont été bonifiés ou simplement rendus possibles grâce au bond en avant de cette technologie.
« Nous prévoyions déjà déployer un agent virtuel en soutien au service à la clientèle. Or, maintenant, on peut le faire avec une technologie qui permet un dialogue beaucoup plus riche que ce qu’on avait avant », explique-t-il. Pour l’instant, cet agent virtuel n’est pas utilisé en contact direct avec la clientèle. Il est plutôt conçu pour assister les téléphonistes en centres d’appels. Depuis cette année, il est aussi utilisé pour simuler des clients lors de la formation des nouveaux téléphonistes.
« De la même manière qu’un pilote ferait des simulations de vol, nous faisons des simulations d’appels [en générant une conversation vocale ou textuelle]. Avant, nous passions de la salle de classe au téléphone. Désormais, nous passons d’une salle de classe à un simulateur, puis au téléphone. Les agents en formation ont l’occasion de commettre quelques erreurs avant de se retrouver face à de vrais clients. »
Prendre de la vitesse
Ensuite, deux projets internes ont été devancés : un agent virtuel aide les programmeurs à coder, puis un autre répond aux questions des techniciens envoyés chez des clients. « Ceux-ci peuvent interagir en langage naturel sur leur téléphone mobile avec un assistant virtuel qui peut faire pour eux des recherches dans notre documentation interne. » L’assistant peut ensuite suggérer une séquence d’actions à faire pour résoudre le problème.
Par la nature de ses activités, il semble évident qu’un géant des télécommunications comme Bell se doit d’être à l’avant-plan de la transformation numérique. À cet égard, l’entreprise canadienne affiche une volonté désormais assumée de dépasser son statut d’« entreprise de télécommunications traditionnelle » pour devenir une entreprise « axée sur les services technologiques ». « Je ne mentionnerais pas de jalon spécifique, mais c’est clairement devenu une de nos priorités », confirme Michel Richer. Le VP présente l’acquisition en mai 2023 de la firme FX Innovation, un des leaders dans le domaine de l’infonuagique et de l’automatisation au Québec, comme une manière de se positionner sur cette question.
Pour atteindre le statut d’entreprise « technologique », Bell mise également sur une stratégie inside out, qui signifie qu’elle développe des technologies en interne pour ensuite les proposer à ses clients en externe. « Nous gérons des opérations de centres d’appels ayant les volumes les plus grands et les plus complexes du pays, explique le VP. Notre stratégie est de développer des compétences en interne ; de bâtir de la propriété intellectuelle et ensuite la rendre disponible à nos clients. » Le meilleur exemple est sans doute le déploiement de son agent virtuel consacré au service à la clientèle. L’IA a d’abord été testée dans sa filière Lucky Mobile en janvier avant d’être utilisée pour accéder à la plateforme Google Cloud Contact Centre AI — une «première mondiale » annoncée le mois dernier lors de la prestigieuse conférence Google Next.
Ultimement, Bell ne perd pas de vue sa volonté de toujours livrer « une meilleure expérience client ». Il y a cinq ans, l’entreprise a commencé à utiliser l’IA pour acheminer « le bon appel au bon agent », explique Michel Richer. L’année suivante, poursuit-il, elle a entraîné un modèle pour analyser les appels et proposer des actions orientées vers les besoins des clients.
Collaboration prometteuse
Plus récemment, en février 2024, Bell a annoncé un « projet collaboratif » de 18 mois avec l’institut Mila, pour tester de nouvelles technologies liées aux réseaux de neurones. « Ce qu’on veut développer avec Mila, ce sont des réseaux de neurones qui prennent en compte la pleine séquence de navigation d’un client sur notre site web, et ce, peu importe l’ordre dans laquelle elle se déroule, pour nous aider à mieux comprendre ses besoins. » Par la suite, Bell et Mila publieront une étude conjointe pour décrire leurs découvertes techniques.