SECTEUR MANUFACTURIER. Les entreprises manufacturières ont dû trouver rapidement des solutions pour limiter les pertes liées à la pandémie. Elles ne doivent toutefois pas oublier de réfléchir à des stratégies qui leur permettront de bâtir leur résilience à long terme.
La pandémie de COVID-19 incite des entreprises manufacturières à repenser la gestion de leur chaîne d'approvisionnement. Sans complètement renoncer au juste-à-temps, elles déploient un mode de gestion en «juste-au- cas-où», qui consiste à accumuler un peu plus de stock pour diminuer les risques de rupture.
«Depuis le début de la pandémie, nous sommes passés d'une gestion des approvisionnements avec des stocks de quelques jours à des stocks de deux semaines. On peut donc s'ajuster si notre ligne de production est perturbée», explique Yves Proteau, coprésident d'APN Global, une PME de Québec qui fabrique des pièces de précision pour les secteurs de l'aérospatiale, de la défense et des hautes technologies.
Inspiré du constructeur automobile Toyota, le juste-à-temps est une méthode de gestion de la production en flux tendu. Elle consiste à gérer la production d'une entreprise manufacturière en fonction des commandes et non pas des stocks, et ce, en produisant ou en achetant seulement (ou uniquement) la quantité nécessaire au moment précis où une chaîne de production en a besoin.
Sable dans l'engrenage
La fermeture de milliers d'entreprises en Amérique du Nord, à la mi-mars, a d'abord perturbé les approvisionnements d'APN Global, qui a des usines en Californie et au Québec. La PME a pu limiter les dégâts et revenir à une situation presque normale en gardant des stocks un peu plus importants et en continuant de planifier ses besoins en pièces à long terme avec ses fournisseurs stratégiques. Une fois la pandémie terminée, APN ne renoncera pas au juste-à-temps, mais elle gardera toujours un peu plus de stock qu'auparavant juste au cas «où il y aurait une autre crise», confie Yves Proteau.
Le juste-à-temps a fait de nombreux adeptes au Canada, car il permet aux entreprises manufacturières de réduire le coût de leurs stocks et de faciliter la gestion des opérations en partageant des responsabilités avec des fournisseurs stratégiques.
Cette méthode de gestion de la production fonctionne très bien en temps normal. Par contre, quand les chaînes d'approvisionnement sont perturbées par une crise majeure, il y a du sable dans l'engrenage.
Les fournisseurs de composants ou de pièces ont alors de la difficulté à approvisionner les entreprises manufacturières, tandis que ces dernières peinent à livrer leurs produits à leurs propres clients.
C'est un cercle vicieux qui a fait aussi réfléchir l'entrepreneur Louis Veilleux. Sans renoncer au juste-à-temps, le fondateur du Groupe Mundial, en Beauce, qui réunit sept entreprises manufacturières québécoises spécialisées dans la sous-traitance industrielle, veut aussi renforcer la résilience de sa chaîne logistique. «Oui, on va augmenter un peu les inventaires de sécurité, mais pas seulement dans la cour de nos usines. Je souhaite les renforcer tout au long de notre chaîne de nos fournisseurs, ce qui permettra de renforcer l'ensemble des maillons de la chaîne logistique», souligne-t-il.
Le Groupe Mundial, qui a des usines au Québec, aux États-Unis et en Chine, ne peut pas forcer ses fournisseurs à adopter cette approche, mais il va tenter de les convaincre de solidifier l'ensemble de la chaîne logistique.
Depuis une quinzaine d'années, l'entreprise québécois fait très attention à son niveau des stocks, car sa méthode gestion serrée lui permet de demeurer compétitive. C'est pourquoi le Groupe Mundial ne veut pas jeter le bébé avec l'eau du bain, malgré la réflexion que provoque l'onde de choc de la pandémie de COVID-19. «Nous avons toujours été capables de livrer à nos clients sans trop avoir de stock, dit Louis Veilleux. Nous pouvons continuer à le faire.»