EXPERT INVITÉ. En construction, espérons que Montréal a atteint le fond du baril et que la situation s’améliorera. Les mises en chantier ont beaucoup plus diminué à Montréal que dans le reste du pays. Et les délais pour l’obtention d’un permis ont plus que doublé ces dernières années. Ce n’est donc pas surprenant que la cible de 120 jours annoncée par la mairesse Plante ait été accueillie froidement.
Montréal est un dernier de classe
Partout au Canada, les mises en chantier ont chuté avec la hausse des taux d’intérêt, des coûts de matériaux plus élevés et d’une pénurie de main-d’œuvre.
Une étude récente de la SCHL montre que le nombre de mises en chantier par rapport à la population varie beaucoup selon les villes. Ce qui donne à penser que la réglementation, surtout municipale, joue un rôle important dans la capacité d’accélérer la construction, indique Mathieu Laberge, premier vice-président, Économie et perspectives de l’habitation, SCHL.
La ville de Montréal est bonne dernière dans cette comparaison. L’ouest du Canada a un marché immobilier beaucoup plus dynamique. Les gouvernements municipaux et provinciaux sont plus proactifs.
Au cours des quatre premiers mois de 2024, les mises en chantier à la ville de Montréal ont chuté de 40 % par rapport à l’année dernière. Cette baisse fait suite à une diminution de 29 % en 2022 et de 26 % en 2023.
(Source: IDU)
Un délai de 120 jours pour les dossiers faciles
Des permis de plein droit sont pour des dossiers simples à analyser, car ils sont conformes au règlement d’urbanisme.
En entrevue, la mairesse Valérie Plante a mentionné que, dans Ville-Marie, le délai moyen est d’environ 90 jours. Pourquoi ne pas viser une amélioration en ciblant plutôt 60 jours?
La majorité des demandes ne sont pas de plein droit. Par exemple, ils dérogent au règlement d’urbanisme ou des citoyens demandent une consultation. L'octroi d’un permis prend entre 6 mois à 4 ans.
La Presse a récemment publié une enquête. En 2023, le délai moyen à Ville-Marie, en incluant les dossiers de plein droit et les autres dossiers plus complexes, est de 540 jours.
En 2019, ce délai moyen était de 215 jours. Comme le nombre de dossiers a fondu depuis, je ne comprends pas pourquoi les délais ont tant augmenté.
Il faudrait identifier les causes de cette hausse et y apporter des correctifs.
Ne pas mettre de cible pour les dossiers complexes est un aveu d’impuissance à améliorer leurs délais. Pourquoi ne pas sous-traiter des dossiers à des firmes en urbanisme?
Ces délais ont des répercussions concrètes sur la capacité des promoteurs immobiliers de mettre des logements sur le marché. Lorsqu’un projet est retardé de quelques années, les loyers doivent être augmentés de quelques centaines de dollars.
«Afin de renverser la situation, il est pressant de mettre en œuvre des mesures permettant de construire davantage et plus rapidement de tous les types de logements. Les développeurs immobiliers comprennent que leur projet doive être analysé. Ils ne veulent pas construire n’importe quoi. Mais actuellement, les délais pour l’obtention des permis sont exagérés. On nous dit qu’il faut bâtir plus, qu’il faut bâtir plus vite, mais comment fait-on pour y arriver avec des délais pareils ? », demande la PDG de l’Institut de développement urbain du Québec (IDU), Isabelle Melançon.
Les prix incitent à quitter Montréal
Selon un récent sondage réalisé par Royal LePage, pour le RMR de Montréal, 54 % envisageraient d’acheter une propriété dans une ville plus abordable, s’ils étaient en mesure de trouver un emploi ou de travailler à distance.
Les locataires sont plus enclins à déménager que les propriétaires. Leurs préférences vont pour la ville de Québec (29 %), Sherbrooke (15 %) et Trois-Rivières (12 %).
Cette tendance a commencé avant la pandémie et s’est accélérée pendant le boom immobilier de 2020 et 2021. Si le télétravail est permis, on a la liberté de s’éloigner du lieu de son entreprise.
L’ajout de la filière batterie à Bécancour n’est pas étranger à la demande immobilière en Mauricie. Ce qui devrait maintenir une pression à la hausse sur les prix de l’immobilier à long terme, quoique le marché devrait continuer d’être parmi les plus accessibles de la province.
«Plusieurs régions ont vu la valeur des propriétés augmenter depuis 2020, mais la majorité demeure plus accessible. La région de Gatineau est un bel exemple; il s’agit d’un des marchés à avoir observé les augmentations de prix les plus importantes dans la province, mais lorsqu’on le compare au marché voisin d’Ottawa, les prix demeurent presque deux fois inférieurs», indique Dominic St-Pierre, vice-président sénior, développement des affaires, Royal LePage.
Quel que soit le nombre de résidents qui choisissent de s’installer ailleurs, il y aura toujours une forte demande de logements dans les grandes villes, et ce malgré la difficulté d’accéder à la propriété. Les plus grandes villes ont beaucoup à offrir, qu’il s’agisse de possibilités d’emploi diversifiées, de divertissement et de commodités.
Optimisation des processus administratifs
Le 10 avril 2024, le gouvernement de l’Ontario a présenté une loi pour réduire les formalités administratives afin de construire plus de logements et à accélérer les processus gouvernementaux.
Si la loi est adoptée, il y aura un délai maximum pour l'émission d’un permis municipal.
Les promoteurs ont besoin d’une meilleure prévisibilité pour leurs dossiers qui ne sont pas de plein droit.
Montréal me semble plus en mode de promesses vagues qu'en mode d’optimisation des processus administratifs.