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ALGORITHMES. Les algorithmes pour trouver l’amour, Joan Sawaya-Paiement, présidente de l’agence de rencontres Intermezzo à Montréal, n’y croit pas. Et elle ne cache pas son scepticisme face aux innovations que les outils d’intelligence artificielle (IA) pourraient apporter au marché.
«Plus il y a d’applications [de rencontres], plus il y a de frustrations, et plus c’est bon pour notre chiffre d’affaires», affirme la propriétaire de l’entreprise depuis plus de 10 ans.
Chez Intermezzo, les six employés, ou «chasseurs de cœur», travaillent à partir du bureau situé à Outremont. Pas de télétravail ni de réunions sur Zoom. Les clients à la recherche de l’âme sœur sont rencontrés en personne, et les dossiers papier, confidentiels, ne doivent pas sortir du bureau.
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Les cœurs esseulés investissent à partir de 3000$ dans un modèle d’affaires qui va à l’encontre de la tendance de ce marché mondial dont le chiffre d’affaires devrait atteindre 3,12 milliards de dollars américains (G$US) en 2024 et dont le taux de croissance annuel devrait être de 2,62% d’ici à 2028, selon la plateforme de statistiques mondiales Statista.
Dans le processus, pas d’appels ni de messages textes échangés avant les rencontres, sauf pour fixer le premier rendez-vous.
«Au téléphone, on se dévoile trop tôt à des gens qu’on ne connaît pas», au risque de compromettre les chances de réussite de la première rencontre, explique Joan Paiement.
Un besoin d’authenticité
Pour Joan Paiement, trois variables sont à prendre en considération dans l’organisation d’un premier rendez-vous réussi: la chimie, un mode de vie compatible et des valeurs communes. Et si les algorithmes peuvent quantifier les deux dernières données, la chimie, elle, est difficile à prévoir. Pour évaluer les chances de succès d’un match, les chasseurs de cœur de l’entreprise observent le langage corporel, ce que la personne dégage. Une job «d’expérience et d’intuition», affirme la présidente. Une job que ni l’IA ni l’intégration de profils génétiques ou de l’ADN aux profils de rencontre ne pourraient remplacer.
«Les tests génétiques pour matcher, ce n’est pas nouveau, rit la matchmakeuse. En 2010 aussi, l’ancien propriétaire de l’entreprise proposait des tests génétiques aux clients, mais ça ne marche pas.»
Quant à l’utilisation de ChatGPT ou de l’IA pour générer des profils ou des messages, «ce n’est qu’un mensonge de plus, se désole Joan Paiement. On pouvait déjà mentir sur son âge, sur sa taille, sur son poids, et maintenant sur ses messages. Dans un processus de rencontre, il faut se montrer comme on est.»
Selon une étude de OnePoll réalisée pour Tinder en 2023 auprès de 4000 célibataires aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et au Canada, 80% des 18 à 25 ans priorisent l’authenticité et le bien-être mental lors d’une rencontre.
Ce besoin d’authenticité se traduit chaque jour dans le bureau de Joan par un élargissement et rajeunissement de sa clientèle qui ne veut plus perdre son temps et manque d’occasions de rencontres depuis la généralisation du télétravail. Sans algorithme, l’agence de rencontres voit son chiffre d’affaires augmenter chaque année d’environ 10%.
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Cependant, avec les moins de 30 ans, Joan voit son métier évoluer. Elle offre un service de coaching pour aider les plus jeunes à développer leurs habiletés sociales.
«C’est un nouveau défi. On doit les préparer à faire des rencontres. En Amérique du Nord, on ne rencontre plus organiquement. Il y a un immense choix en ligne qui nous permet de magasiner. Résultat, les liens d’amitié, les connexions dans la vraie vie ne se font plus.»
Pour Joan, c’est ce manque de rencontres organiques qui expliquent l’engouement des investisseurs pour le marché.
«En 2021, en pleine pandémie de COVID-19, la capitalisation boursière de Match Group — propriétaire de Tinder, Hinge ou Meetic entre autres — a largement dépassé les 40G$US», rappelait en janvier dernier le Wall Street Journal.
Cependant, elle est aujourd’hui de 10G$US et les analystes observent un ralentissement de la croissance plus tôt et plus fort que prévu, indique le journal économique.
De la Bourse au matchmaking
Et la Bourse, Joan connaît bien. À 12 ans, la jeune fille issue de grands-parents immigrants libanais demande à son père de l’abonner au Wall Street Journal. La Bourse, c’est son rêve d’enfant. Après des études en comptabilité, elle entre à la Bourse de Montréal en 1981 comme adjointe au trésorier avant de monter les échelons et de devenir première vice-présidente et directrice générale pour les finances et l’administration jusqu’à son départ en 2000 pour se consacrer à ses enfants.
«Jusqu’à la fin, quand j’allais sur le parquet, j’avais encore des frissons», se souvient-elle, des étoiles plein les yeux.
À la suite de sa première carrière, elle décroche un bac en psychologie et postule, à la blague, chez Intermezzo. Elle cherche à trouver un chum à son amie qui vient de se séparer. Mais elle trippe et retrouve dans le matchmaking l’adrénaline, la pression, le stress, l’intuition qui la faisaient palpiter à la Bourse.
«Il y a même plus de pression ici qu’à la Bourse, constate-t-elle. En affaires, tu joues avec les émotions, mais là c’est plus personnel. Il faut être solide, ne pas flancher face aux émotions des clients. On parle d’ego, de leur valeur, il faut beaucoup d’écoute.»
Pour Joan, c’est cette oreille, le principal atout des agences face aux apps de rencontres. Le soutien émotionnel, l’empathie qu’aucune IA ne peut aujourd’hui offrir.
Car, «quand tu te fais ghoster sur une date Tinder, tu ne peux pas appeler M. Match.com».
Si votre utilisation des réseaux sociaux vous a permis de rencontrer le succès sans passer tout votre temps à vous battre avec des algorithmes ou si vous avez décidé de vous en affranchir, partagez votre stratégie avec moi à [email protected]
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