EXPERTE INVITÉE. Voici une histoire parmi trop d’autres. Celle d’une entreprise qui a dû laisser sur la table des contrats d’une valeur de plus de 10 millions de dollars l’an dernier en raison d’un manque de personnel. Vous avez bien lu: 10M$!
Et pourtant cette entreprise a déployé des efforts considérables pour pallier ce manque. Elle a amélioré ses processus, automatisé ses opérations, robotisé sa chaîne de production.
Il n’en demeure pas moins que l’humain demeure essentiel pour certaines activités.
Cette même entreprise a donc entrepris des démarches intensives pour recruter, ici et à l’étranger.
Dans une entrevue médiatique l’automne dernier, la responsable des ressources humaines racontait que l’avenue des travailleurs issus de l’étranger s’est avérée pour le moins compliquée en raison de la lourdeur du processus.
«Ce qu’on a pu voir, c’est la pénurie de main-d’œuvre, mais surtout le ralentissement, la lenteur, la complexité pour nous et pour l’ensemble des employeurs du Québec par rapport à l’immigration et au recrutement à l’international», avait-elle confié au journaliste.
Des constats préoccupants
Selon Emploi-Québec, près de 1,6 million d’emplois sont à pourvoir au Québec pendant la période 2022 à 2031.
Les projections indiquent qu’un poste sur quatre devra être pourvu par l’immigration.
Avec des besoins aussi importants pour intégrer des travailleurs venus de l’étranger au Québec, il est essentiel que les actions gouvernementales soient bien alignées.
Or, malgré le fait que les dernières orientations du gouvernement soient des pas dans la bonne direction, il est urgent de voir des changements concrets.
Car, oui, et malgré une amélioration, les délais sont encore trop longs et les programmes peuvent être mieux adaptés. Les gouvernements du Québec et du Canada doivent redoubler d’efforts à ce sujet.
Nous sommes aussi persuadés que l’immigration peut être bénéfique pour le fait français au Québec. Or, l’accès à la francisation doit être encore amélioré.
Enfin, et surtout, s’il est vrai que l’économie est une priorité pour le gouvernement, l’arrimage de l’immigration avec nos entreprises doit aussi figurer en tête de liste.
Et pourtant…
Actuellement, le secteur manufacturier ne fait pas partie des priorités du Plan d’action sur la main-d’œuvre. Pourtant, ce même secteur manufacturier est au cœur des priorités d’Investissement Québec.
Comment expliquer cette situation?
Qui travaillera dans les usines qui sont pourtant soutenues par des aides gouvernementales importantes?
Pourquoi les métiers manufacturiers les plus demandés ne sont-ils pas priorisés?
Ne pourrait-on pas les reconnaître pour la requalification, comme cela se fait déjà pour des métiers de secteurs prioritaires du gouvernement, et aussi dans les efforts de recrutement international?
Il faut une vision d’ensemble, et cela passe notamment par une attention particulière aux métiers du manufacturier qui sont par ailleurs très bien rémunérés.
Notre compétitivité et notre développement économique en dépendent.
Pour que les bottines suivent les babines
La pénurie de main-d’œuvre est de loin la préoccupation première des entreprises manufacturières.
C’est ce qui empêche les dirigeants de dormir et les amène notamment à envisager de déménager des opérations à l’extérieur du Québec ou de réaliser de nouveaux investissements ici.
C’est ce qui fait aussi que la compétitivité de nos entreprises est menacée.
Ou encore ce qui risque de compromettre la réduction de l’écart de productivité avec l’Ontario, qui est pourtant un objectif affiché du gouvernement de François Legault.
Les consultations gouvernementales en cours sur la planification de l’immigration doivent être saluées. Nous y participons avec intérêt et avec une volonté réelle de voir des améliorations.
Toutefois, ces consultations doivent surtout livrer des résultats.
Considérant que la performance des entreprises est centrale à l’atteinte des cibles de développement économique du gouvernement, il est légitime de s’attendre à des mesures concrètes à court terme afin de favoriser l’arrivée et l’intégration de travailleurs étrangers dans les entreprises manufacturières.
Car repensons à notre entreprise parmi trop d’autres.
Il ne fait aucun doute qu’elle préférerait consacrer tous ses efforts à accueillir des travailleurs étrangers, et à contribuer ainsi à leur bien-être et celui de leur famille.
Plutôt que de s’épuiser à tenter de les faire venir au Québec…