EXPERTE INVITÉ. Les spéculations sur le retour éventuel de Donald Trump à la Maison-Blanche vont bon train. Et ces attentes soulèvent questions et préoccupations, y compris concernant les échanges commerciaux alimentaires entre les deux pays qui pourraient être grandement influencés par le retour de Donald Trump au pouvoir.
Ces échanges sont parmi les plus importants au monde en raison de la proximité géographique des deux pays et de leurs économies interdépendantes. Par exemple, les exportations alimentaires du Québec ont atteint un sommet de 11,4 milliards de dollars (G$) en 2022 dont près de 70 % étaient à destination des États-Unis.
Le Québec partage une frontière terrestre importante avec les États-Unis, ce qui facilite le transport des marchandises entre les deux régions.
La proximité avec nos voisins du Sud permet d’atteindre une dizaine d’États en moins de 12 heures de route, favorisant ainsi un flux important de marchandises entre le Québec et les États-Unis.
L’approche protectionniste de Donald Trump
Rappelons que le premier mandat de Donald Trump à la Maison-Blanche (2017-2021) a été marqué par une approche protectionniste de la politique commerciale, mettant en œuvre des tarifs douaniers élevés sur certains produits importés, notamment l'acier et l'aluminium, tout en menaçant de retirer les États-Unis de certains accords commerciaux internationaux.
Ces actions ont souvent entraîné des tensions commerciales entre les États-Unis et plusieurs de ses partenaires commerciaux et provoqué de l’incertitude chez les exportateurs canadiens.
Le président Trump a aussi vivement critiqué la gestion de l'offre canadienne, la qualifiant de «désastreuse» pour les agriculteurs américains.
Il a spécifiquement ciblé le secteur laitier canadien, accusant le Canada de restreindre l'importation de produits laitiers américains par le biais de quotas et de tarifs élevés.
Cette critique s'inscrivait dans le cadre de ses efforts plus larges visant à réduire les déficits commerciaux des États-Unis avec, notamment, le Canada.
Washington pourrait-il saborder l'ACÉUM?
L'une des principales préoccupations pour le Canada et le Québec serait le risque de renégociation – un premier examen est prévu en 2026 – ou même d'annulation de l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM).
Bien que l'ACEUM ait été signé sous la première administration Trump, il est important de noter que celui-ci a été négocié dans un climat de tension et d'incertitude, et son avenir pourrait être remis en question avec le retour de M. Trump au pouvoir.
L’ACEUM est un accord commercial vital pour le Québec et le Canada.
Il maintient et renforce l'accès aux marchés américain et mexicain, assure une prévisibilité et une stabilité économique, protège les droits de propriété intellectuelle, modernise les dispositions commerciales et protège les chaînes d'approvisionnement intégrées.
Le Canada exporte une large gamme de produits alimentaires vers les États-Unis, notamment le porc, les préparations de cacao, les boissons, les céréales et oléagineux, et les poissons et fruits de mer.
Tout changement radical dans les politiques commerciales américaines, comme l'imposition de tarifs plus élevés (Trump songe à imposer un tarif de 10% sur toutes les importations) l'introduction de restrictions commerciales, pourrait avoir un impact significatif sur nos exportations alimentaires vers les États-Unis.
Des normes de salubrité différentes
Un autre point d'inquiétude serait la possible remise en question de la réglementation alimentaire existante.
Les États-Unis et le Canada ont des normes réglementaires différentes en matière de salubrité alimentaire et de qualité des produits.
Une administration Trump pourrait chercher à assouplir les réglementations américaines, ce qui pourrait créer des frictions avec le Canada, qui maintient des normes rigoureuses en matière de sécurité et de salubrité alimentaires.
Il faut demeurer très vigilant à un retour potentiel de Donald Trump à la présidence des États-Unis, celle-ci pouvant raviver les tensions commerciales et entraîner des répercussions importantes pour le secteur agroalimentaire des deux pays.
Ces risques, incluant la remise en question de l’ACEUM, l’imposition de tarifs douaniers et de restrictions commerciales, amèneraient un climat de volatilité et d'incertitude et pourraient dissuader les investissements dans le secteur alimentaire en plus de compromettre la planification à long terme des entreprises d’ici.
Il sera essentiel que les deux pays maintiennent un dialogue ouvert et constructif pour atténuer ces risques et préserver les bénéfices mutuels découlant de leurs échanges commerciaux alimentaires qui, historiquement, ont servi les économies nationales des deux pays.