EXPERT INVITÉ. En avril dernier, dans cette même chronique, je mentionnais qu’il n’y avait pas lieu de craindre une récession dans un avenir rapproché. Et ce, pour plusieurs raisons encore valables deux mois plus tard. Ainsi, malgré des taux d’intérêt qui ont continué de monter depuis lors, de 1% à 1,5%, ils demeurent quand même historiquement bas.
De plus, les taux d’intérêt ne représentent que 5,9% du budget des ménages, soit le plus bas niveau atteint au cours des dix dernières années. Il y a donc encore une grande marge de manœuvre de la part des consommateurs. Fait à noter: les taux d’intérêt ont augmenté de plus de 200 points de base à 12 reprises depuis 1960, mais n’ont engendré que deux récessions.
Autre constat: la demande est toujours soutenue par un marché du travail dynamique et des consommateurs qui profitent d’un fort taux d’épargne et de salaires plus élevés. Les salaires au Québec ont en effet bondi de 5,7% au cours des 12 derniers mois. Le revenu hebdomadaire des ménages a par ailleurs augmenté encore plus rapidement que le taux d’inflation ces deux dernières années. Les consommateurs, rappelons-le donc, sont bien positionnés pour affronter une hausse des taux d’intérêt et de l’inflation.
D’autres signes encourageants
Bien sûr, les paiements hypothécaires sont plus élevés et le marché immobilier a (heureusement!) freiné sa course, après une trop forte hausse de 40%. Mais le nombre de prêts hypothécaires en souffrance a atteint son plus bas niveau en 30 ans. Et d’autres secteurs d’activité prennent la relève.
Comme l’industrie de la restauration et du tourisme, fortement malmenée depuis le début de la crise de la COVID, qui reprend du tonus. À preuve: les ventes dans le secteur de la restauration sont revenues au même niveau observé avant la pandémie. Dans le secteur de l’hôtellerie, le taux d’occupation en avril dernier affichait 53%, comparativement à 29% en avril 2021. Le retour du Grand Prix de Formule 1 à Montréal, et de touristes internationaux, témoignent de signes enthousiasmants.
Il est aussi encourageant de constater que les exportations, alimentées par la vigueur de l’économie américaine, continuent de croître. Par ailleurs, la guerre en Ukraine a peu d’impact sur l’activité économique québécoise et canadienne qui en tire même avantage avec la hausse des prix de certaines matières premières dont nous sommes producteurs.
Pour plusieurs, l’inflation laisse nécessairement craindre une récession. Mais l’inflation est justement la résultante d’une activité économique qui roule à plein régime. Pour d’autres, ce sont les turbulences actuelles des marchés boursiers qui sont annonciatrices d’une récession. Mais la dégringolade du marché boursier découle en grande partie de la hausse des taux d’intérêt, et non d’une économie chancelante. Et il est aussi bon de rappeler que seulement deux récessions, parmi les sept prédites par les marchés boursiers, se sont réalisées!
Une récession se caractérise principalement par une baisse marquée de la consommation - ce qui est loin d’être le cas actuellement - et par une augmentation importante du taux de chômage. Or, le chômage oscille à un faible taux historique de quelque 4% depuis quelques mois déjà.
Bien sûr, les risques d’une récession ont augmenté ces derniers temps. Mais, à moins que la Banque du Canada hausse rapidement et drastiquement les taux d’intérêt pour enrayer l’inflation, ou que les consommateurs décident de ne plus acheter de voitures, de meubles, de piscines, ou de ne plus prendre de vacances ni de refaire leur patio, il n’y a pas lieu de craindre de récession cette année, sinon un ralentissement de l’activité économique qui a déjà connu un très bon premier trimestre.