EXPERT INVITÉ. C’est en écoutant le cri du cœur de Sandra Ferreira sur les réseaux sociaux samedi matin que j’ai appris la fermeture chaotique de plusieurs terrasses de restaurants de la rue Peel, en pleines festivités du Grand Prix de Formule 1.
Installations temporaires, ces terrasses permettent aux restaurateurs d’agrandir leur salle à manger afin de profiter du passage à Montréal de dizaines de milliers de touristes le temps d’un week-end.
Après des années pandémiques extrêmement difficiles, une économie moribonde et entourée de chantiers de construction leur compliquant grandement la vie depuis plusieurs années, les restaurateurs de la rue Peel, tel le célèbre restaurant Ferreira, se préparaient depuis plusieurs mois pour cet évènement.
Tristement, tels de vulgaires criminels, ils ont été obligés de vider et de fermer sur le champ leurs terrasses par une douzaine d’agents du Service de Sécurité incendie de Montréal accompagnés de policiers. Humiliés et anéantis devant des centaines de clients, Sandra Ferreira et ses collègues n’ont eu d’autres choix que d’obtempérer, avec, bien entendu, une amende salée à titre de remerciement.
Je veux être absolument clair et précis sur un point. Bien entendu, la sécurité de ces installations ainsi que des clients est prioritaire, essentielle et non négociable. Cependant, ce qui est totalement inadmissible dans ce fiasco ce sont le moment, les méthodes et l’abus de pouvoir utilisés. Nous en apprendrons très certainement plus au fil des prochains jours, mais une chose est certaine, Montréal a encore une fois, à mon plus grand désarroi, démontré qu’elle n’est plus que l’ombre d’elle-même.
En septembre 2020, j’écrivais une chronique avec ce même titre. Quatre ans plus tard, je suis alarmé de constater que la situation ne s’est guère améliorée…
«Plusieurs facteurs ont fait en sorte que nous nous réveillons aujourd’hui avec une ville à la recherche de son âme et de son identité. Exode des sièges sociaux, crise économique, délocalisation d’entreprises et d’usines offrant de bons emplois, sous-investissement chronique, corruption endémique, fuite des familles, problèmes de congestions, guéguerre politique, fusion/défusion et manque de leadership sont toutes des raisons derrière ce déclin.»
Aujourd’hui, on peut ajouter à cette litanie une crise du logement, des chantiers sans fin, une grave problématique d’itinérance, une flambée de violence, une malpropreté honteuse…
Pour l’écosystème entrepreneurial, la situation est critique. Alors qu’il n’y a pas si longtemps plusieurs choisissaient Montréal afin d’y installer leur siège social ou de nouveaux bureaux, aujourd’hui, c’est plutôt le syndrome du «tout sauf Montréal» qui s’applique.
Il va falloir se poser de sérieuses questions concernant le futur de Montréal. Malheureusement, en écoutant les dirigeants de la ville, ils semblent être totalement dépassés par la situation, préférant la fiction à la réalité, préférant miser sur les projets du futur que régler les problèmes du présent, préférant mettre un pansement sur l’éraflure que de traiter le cancer. Montréal est malade, gravement malade.
Montréal se doit de retrouver sa qualité de vie, sa créativité, son laisser-aller, sa réputation de ville festive, gourmande, accueillante…
En tant qu’entrepreneur, je veux retrouver la ville des grands projets qui faisait rêver, la ville où tous veulent venir fonder sa start-up, la ville où l’on veut prendre des risques et tenter sa chance. Mais pour ça, il faut créer un environnement d’affaires favorable avec, notamment, des réglementations simples et flexibles. L’histoire des terrasses en est le meilleur (ou pire) des exemples!
Pour qu’elle retrouve sa vitalité et que l’on veuille y venir ou revenir, il faut un réseau de transport efficace (peu importe votre choix de transport). Il faut que la communauté d’entrepreneurs soit fière de leur ville, veuille y créer des évènements, veuille y investir.
Pour moi, le cri du cœur de Sandra Ferreira est beaucoup plus grand que le fiasco pour lequel il existe. Ce cri du cœur en est un d’une entrepreneure passionnément amoureuse de sa ville qui voit à quel point cette même ville s’éloigne petit à petit d’elle et de milliers d’autres entrepreneurs.
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