À LA CHASSE. Vous croyez que la pénurie de talents serait une histoire du passé maintenant que nous sommes en pandémie ? Vous vous trompez !
Nous sommes à l'été 2020. Je parle avec mes candidats. D'habitude, je suscite chez eux de la curiosité et je pique leur ego. C'est toujours agréable de se faire chasser. Cette année, toutefois, quand je les sollicite entre deux réunions virtuelles, je sens bien que le coeur n'y est pas. «Merci de ton intérêt, Nathalie, mais cette année, je me demande ce que je vais faire de mes prochaines années. J'aspire à un meilleur équilibre et à plus de sens...» On dirait que le télétravail les a fatigués. Pire, je sens de la lassitude. «À quoi ça sert, finalement, tout ce cirque ?» m'a même avoué un jour un patron d'une grande organisation.
L'année 2020 est celle où plusieurs ont décidé de devancer ou de carrément prendre une retraite et de se réinventer. Ils consultent leur conseiller financier, réfléchissent au sens de leur travail dans leur vie, et ils surveillent les marchés boursiers. Bref, la pandémie aura ce rôle de lac-à-l'épaule pour revoir les stratégies de vie et de carrière, parce que nous sommes confinés, isolés, coupés du monde en partie ; nous sommes en «jachère». Bien que nous travaillions beaucoup, nous récupérons une portion de notre cerveau pour réfléchir loin du bureau et loin des jeux politiques et des climats de travail, parfois toxiques.
Mes clients et mes candidats songent très sérieusement à s'installer à la campagne pour de bon ou presque. À en croire l'augmentation des ventes de chalets et le secteur de la rénovation qui est en feu, la COVID aura stimulé ce pan de l'économie puisque même le bois d'oeuvre est désormais en pénurie ! Mais il n'y a pas que le bois d'oeuvre... La pénurie de talents bat toujours son plein et elle s'installe confortablement. Après le «pandétravail», voici la «pandépénurie» !
Où est la relève ?
Les baby-boomers auront bientôt quitté complètement le marché de l'emploi et les derniers accélèrent le pas. La cohorte des «X» censée prendre la relève reste néanmoins toujours la plus petite en matière démographique. L'effet de la pandémie les pousse à remettre en question leur carrière et leur style de vie. Ils sont de plus en plus nombreux à opter pour le travail autonome loin des jeux de couloirs du bureau, de la pression et, pour certains, du mauvais leadership. Les relations à distance peuvent créer plus de tensions et d'anxiété et ceux qui se sont sentis «sauvés par la COVID pour ne plus voir leurs collègues toxiques» tremblent à l'idée de retourner au bureau. Alors, tant qu'à y être... on y va pour le grand chambardement. Gagner moins pour augmenter son bonheur ? Telle est la question ! On verra, en revanche, si le «bonheur est dans pré». En attendant, les priorités et les objectifs changent.
Selon une étude de McKinsey, 80 % des répondants ont affirmé qu'ils appréciaient le travail de la maison et 41 % ont même avancé qu'ils étaient plus productifs qu'avant. Ce que j'aime dans la conclusion de l'étude, c'est qu'elle ouvre sur comment la guerre des talents va se jouer, à savoir : «Ultimement, le but de cette réinvention du travail se forgera sur ce que les meilleurs employeurs ont toujours prôné : un environnement de travail sain, sécuritaire où les employés peuvent se développer et apprécier leur travail et leur impact, avoir un espace collaboratif et atteindre leurs objectifs en équipe.» Retour à l'essentiel et aux principes de management 101.
Autant dire que la chasse aux perles rares se complexifie intensément et devient un sport qui allie rapidité, agilité, authenticité, transparence et créativité. C'est ça la «pandépénurie».
Les recruteurs et entreprises seraient donc mieux de changer leurs discours habituels et de se débarrasser de tous leurs gestionnaires et employés toxiques, peu importe leur rôle (bien sûr vous savez de qui je parle), même si ce sont de gros générateurs de revenus, car, demain matin, ils se réveilleront à court de ressources et sans personne pour les endurer...
Il est plus que temps de passer de la parole aux actes. Miser sur le leadership au naturel. Fini les fards et les flaflas, exit les discours javellisés et les jeux de petite politique. On veut du vrai, du senti, du transparent même si ça fait un peu mal parfois.