BILLET. Qui n’a pas entendu parler de ChatGPT? Le raz-de-marée médiatique a été à la hauteur du bouleversement provoqué par ce puissant agent conversationnel qui repose sur l’intelligence artificielle (IA). La question serait plutôt de savoir… qui a peur de ChatGPT ? De nombreux experts prédisent en effet que cette technologie pourrait engendrer la disparition de nombreux emplois, notamment ceux liés à la création de contenu.
En tant que média, il nous est impossible de faire abstraction du phénomène, et nous souhaitons aider le milieu des affaires à comprendre les possibles effets de cette technologie sur notre économie. Comme membres d’une industrie potentiellement touchée, nous voulions toutefois aller plus loin : passer de spectateurs à acteurs, en faisant la démonstration des capacités de la machine à même nos pages. Nous prenions un risque, certes. Autant vous dire que quand j’ai émis l’idée que pour ce numéro, la une ne devrait pas naître de la créativité de notre directeur artistique, mais plutôt être conçue de toutes pièces par intelligence artificielle, et qu’un article devrait être rédigé de façon automatique plutôt qu’écrit par un journaliste, la réaction de mon équipe était plus que mitigée. Pourtant, malgré une certaine appréhension, nous avons plongé la tête la première dans cette aventure !
Pour commencer, nous nous sommes lancés dans une série de tests. Nous avons dû déterminer le meilleur outil, puis apprendre à l’utiliser. Nous avons effectué de nombreux essais en variant les formulations des phrases ou des mots-clés et exploré les différents univers visuels proposés. Nous nous sommes réunis plusieurs fois afin de décider de la direction à suivre et, lorsque les tests n’étaient pas concluants, nous nous sommes adaptés. La photo qui accompagne mon édito est aussi le résultat d’une application reposant sur l’IA, qui, après avoir analysé quelques-uns de mes portraits, a produit une centaine d’avatars plus perturbants que réellement valorisants. Vous avez ici le modèle le plus abouti. En fin de compte, la machine ne nous a pas fait gagner de temps, au contraire. Était-ce un gain de coût ? Pas de manière notable. Le résultat, quant à lui, ne correspond pas au standard de qualité de ce que nous publions d’habitude. Pour reprendre la blague de notre cheffe de pupitre : « C’est comme travailler avec un mauvais collaborateur. » Malgré tout, se prêter au jeu voulait dire aller jusqu’au bout de l’expérience et publier les résultats en toute transparence.
Alors, l’IA est-elle à la veille de nous remplacer? Pas pour le moment. Cela dit, pendant la prochaine décennie, la machine va sans contredit se perfectionner. Nous assistons béats à ses premiers pas et réalisons à peine ce qui se passera quand elle sera à la phase adulte. Dans l’adoption d’une technologie de rupture, on surestime souvent les répercussions à court terme et on sous-estime celles à long terme. Je ne crois pas pour autant à un scénario catastrophe qui verrait l’avènement de la machine. L’humain a une formidable capacité d’adaptation. Pour les plus sceptiques, il suffit de se rappeler la rapidité à laquelle la société a su se transformer pendant la pandémie. Nous apprendrons à travailler avec ce nouvel outil, comme nous l’avons fait avec d’autres auparavant.
Sur tout ce qui s’est dit sur ChatGPT, une donnée m’a particulièrement interpellée. La force de l’intelligence artificielle générative repose sur son extraordinaire capacité à absorber une quantité phénoménale de données, soit tout le savoir humain déjà publié. Or, selon une étude de l’Université de Cambridge, l’IA atteindra un plateau en 2026 puisqu’elle n’aura plus de nouvelles informations « fiables ou de qualité » pour l’alimenter. La production d’un tel contenu a un coût, nous sommes bien placés pour le savoir.
Puisque notre métier ne se réduit pas à rédiger la nouvelle, mais surtout à l’anticiper et à l’analyser, nous comptons bien nous appuyer sur l’intelligence aussi bien humaine, artificielle que collective pour continuer à vous offrir le meilleur de l’information d’affaires, aujourd’hui et pour les décennies à venir.