BLOGUE INVITÉ. L’environnement d’affaires des fabricants s’est passablement complexifié en sortie de crise sanitaire. Les enjeux critiques sont maintenant nombreux et épineux. Comme on dit souvent, n’en jetez plus, car la cour est pleine! Je vous en propose huit – non classés par ordre d’importance.
1. L’inflation: elle est venue brouiller les cartes avec son impact sur les coûts d’intrants, de transport et de main-d’œuvre, en plus de hausser le coût d’emprunt pour financer les investissements. Belle recette pour une réduction des marges dans l’optique où des augmentations de prix synchronisées sont souvent difficiles à envisager.
2. Le protectionnisme planétaire: il s’installe de plus en plus, incluant chez notre principal commercial, les États-Unis, ce qui rend l’accès aux marchés de plus en plus incertain pour nos exportateurs. Nul besoin de rappeler que les exportations constituent environ 46% du PIB du Québec, et que même un léger recul de nos ventes à l’étranger représenterait un appauvrissement de la société québécoise.
3. La désynchronisation des chaînes d’approvisionnement: ces dernières fonctionnaient pourtant si bien à la belle époque du juste à temps. La COVID-19 aura tout changé. Les retards de livraison causés par un manque d’intrants empêchent la monétisation des ventes, engendrant des crises de liquidité et de défaillance pour bon nombre d’entreprises.
Les solutions sont connues, mais certaines ne peuvent être mises en place que sur le moyen et long terme.
On n’a qu’à penser à la régionalisation des chaînes à travers la substitution des importations menant à la création de nouveaux fournisseurs régionaux fiables, mais qui seront nécessairement plus chers. Il faudra compenser avec des gains en productivité pour protéger les marges.
Reste qu’il n’y a pas de prix pour bien dormir la nuit.
4. L’incertitude: c’est bien connu, les chefs d’entreprise détestent l’incertitude. On aime avoir un environnement d’affaires le plus prévisible possible. En revanche, l’incertitude reliée à la fin de la crise sanitaire actuelle ou à d’autres éclosions à venir ici ou ailleurs chez nos partenaires commerciaux nous hante.
Idem pour les crises climatiques amenant des fermetures de ports stratégiques, sans parler des événements géopolitiques qui peuvent freiner le commerce international. En bout de ligne, les conséquences de ces crises finissent souvent dans notre propre cour, même si ça se passe loin de chez nous.
5. Le maintien de la compétitivité: il relève de l’exploit en présence de tous ces facteurs. Comment en effet la persévérer dans notre transition technologique et numérique – et approuver des investissements conséquents – avec une telle incertitude et un manque de main-d’œuvre criant?
L’équation est simple pour les manufacturiers. Oui, je comprends que la transformation technologique de mon entreprise me rendra moins dépendant en main-d'œuvre. Cependant, j’ai besoin de membres d’équipe qualifiés pour la faire.
Tout un paradoxe!
6. L’éternelle crise de la main-d’œuvre: elle sera parmi nous jusqu’en 2040, étant donné que la relève de 2030 arrivera graduellement au fil de la prochaine décennie.
Perspective peu réjouissante, vous direz!
Vu le gel actuel des seuils d’immigration et des limites évidentes que représente le rappel des travailleurs expérimentés en emploi, les solutions ne font pas légion.
L’écosystème de la formation continue et le système d’éducation devront à moyen terme relever le défi de la requalification des équipiers en travailleurs numériques, et ce, de façon à garder le Québec manufacturier à flot et compétitif.
Voilà tout un défi à relever en peu de temps.
7. La Cybersécurité: on a oublié le pendant de l’intégration des technologies numériques, soit la cybersécurité. Il s’agit malheureusement d’un angle mort pour bon nombre d’entreprises, surtout lorsqu’on sait que les cybercriminels ciblent maintenant de plus en plus les PME.
Ne pas investir dans le renforcement de sa sécurité informatique représente non seulement un risque de continuité des opérations à l’interne, mais aussi un risque externe s'il y a fuite de données de clients ou de partenaires.
Un cauchemar est si vite arrivé.
8. L’empreinte climatique de l’entreprise: elle n’est pas facultative, loin de là. Ne pas travailler à diminuer son empreinte immédiatement n’est pas sans conséquence. Cela rendrait l’entreprise moins attractive pour recruter les générations Z et Y, qui constituent le bassin de main-d’œuvre de l’avenir pour toute organisation.
Cela nuirait aussi à la rétention de ces précieux membres d’équipe dans la fourchette de 25 à 45 ans. De plus, sachant que les donneurs d’ordres publics et privés et clients internationaux y prêtent de plus en plus attention, cela pourrait entraîner également une perte de clients.
Il est clair que même si tous ces enjeux s’avèrent hautement prioritaires, le contexte de chaque entreprise – selon son secteur d’activité et son propre environnement d’affaires – dictera la voie à suivre et quels défis devront être relevés en premier.
Le fait que certains sont étroitement liés et que certaines solutions peuvent en atténuer plus d’un à la fois facilitera le travail à accomplir.
Enfin, les entreprises ne sont pas seules devant l’adversité. Elles ont la chance d’œuvrer au Québec, en présence d’un écosystème d’affaires imposant et diversifié, qui est en mesure de les appuyer dans leurs zones de turbulence.
À mes yeux, il s’agit là de l’un des principaux avantages comparatifs de l’économie du Québec par rapport à d’autres juridictions.
Alors, profitons-en!