BLOGUE INVITÉ. Je suis de près le secteur de la fabrication depuis plus de 10 ans, et je ne cesse de m’émerveiller par les découvertes étonnantes qu’on peut y faire si on prend la peine de s’y attarder.
Ce qu’on voit clairement, c’est qu’il y a plus 13 000 établissements manufacturiers à travers les 17 régions administratives du Québec, qui produisent 45 milliards de dollars (G$) de PIB et enrichissent les régions.
Ce qui saute aussi aux yeux, c’est que près de 70% des exportations québécoises proviennent de biens, et que 42% des dépenses en innovation des entreprises sont le fruit de sociétés manufacturières.
De plus, le secteur figure parmi les leaders en matière de productivité avec une valeur de 59$ par heure travaillée, même si ce n’est pas encore satisfaisant, si on se compare aux autres grandes nations manufacturières.
Enfin, en lien avec la thématique des emplois payants qui est en vogue actuellement, le salaire moyen manufacturier est 12% plus élevé que celui dans le secteur des services.
Il y a donc de bonnes nouvelles pour tous.
À commencer par nos gouvernements, qui ont engrangé 13,5 G$ dans leurs coffres en revenus fiscaux et parafiscaux en 2019, grâce à la production manufacturière.
Cela est de bon augure pour équilibrer les finances publiques et payer pour nos programmes sociaux en sortie de la crise.
Cet élément, les ministres Freeland et Girard le savent trop bien.
Normalement, mon analyse devrait s’arrêter ici, car l’affaire est déjà entendue, diriez-vous.
Mais vous aurez deviné que l’histoire ne fait que commencer.
Allons-y donc!
La face cachée de la lune
Commençons par le PIB indirect de la chaîne de service manufacturière, qui procure des matières premières, des composantes, des pièces, des fournitures, des services divers en génie industriel et en gestion et autres, et qui s'élevait à 31,5 G$ en 2018.
On parle de 334 000 emplois indirects, ce qui est colossal.
C’est tout un paradoxe que pour 10 emplois manufacturiers créés, on crée 7 emplois dans les services.
Le secteur de la fabrication s’avère plus que jamais un vecteur de croissance important du secteur des services, que certains voyaient à une époque comme le digne remplaçant du manufacturier dans la création de richesse des nations.
C'est la fois où l’ancienne première ministre britannique Margaret Thatcher et d’autres leaders mondiaux bien-pensants ont avalé rétrospectivement leur salive.
Le moment où le manufacturier et sa chaîne de service devaient frapper le mur n’est jamais arrivé.
Quelques briques perdues en cours de route peut-être, mais surtout une résilience indéniable contre vents et marées, et un rôle toujours bien présent d'épine dorsale des économies modernes.
À l’ère numérique, les manufacturiers passent de 2 à 3 fournisseurs privilégiés, incluant le comptable et l’avocat, à une dizaine de partenaires clés en passant par certains fournisseurs critiques de la chaîne d’approvisionnement.
Une étude Deloitte E&B Data, inspirée par le Regroupement des entreprises en automatisation industrielle (REAI) portant sur le portrait de la fabrication de pointe au Québec, jetait d’ailleurs le voile sur une cohorte de 700 fournisseurs québécois 4.0 innovants, à forte intensité en R&D, aux expertises multiples, contribuant à l’économie de la majorité des régions du Québec et prenant sa place à l’international.
Comme quoi le succès amène le succès.
Le Québec des acronymes
Les organismes d’appui publics, parapublics et privés de tous types ne sont pas restés en reste non plus.
En effet, l’écosystème d’affaires manufacturier s’est aussi rapidement adapté à ces nouveaux besoins en accompagnement. Pas étonnant que les projets de cartographies sectorielles soient si à la mode ces temps-ci.
On aura vite découvert que sous le capot de l’engin manufacturier se trouve un riche écosystème d’affaires qui fait partie intégrante de son succès.
Je qualifie souvent cet écosystème du Québec des acronymes.
Peu de chance que l’on oublie son alphabet avec tous ces organismes, dont les noms souvent trop longs se résument à quelques lettres à mémoriser.
On parle d’organismes de développement économique dans le périmètre des municipalités comme la SDED à Drummondville, DEL à Longueuil, QI à Québec, le CEB en Chaudière-Appalaches, Sherbrooke Innopole, le service de développement économique de Shawinigan et combien d’autres que je ne peux tous nommés.
S’ajoute les centres de recherche appliqués comme le CRIM et le C2Mi, les grappes industrielles comme AluQuébec et Écotech Québec, les créneaux Accord comme le RTMQ et TechniTextile Québec, les RSRI comme PRIMA Québec et Prompt, ainsi que les relativement nouveaux ERAC comme Laval Innov et Bonjour startup Montréal.
S’ajoutent les CCTT comme le CRVI et le CMQ, les CEI comme le CNIMI et CEI Montréal, les associatifs comme l’AQT, Synchronex, la FCCQ, le REAI et MEQ, les CSMO comme TechnoCompétences et le CSMO-M (métallurgie), sans oublier les privés comme Vooban et Merkur.
Enfin, on ne pourrait passer sous silence les organismes gouvernementaux comme IQ-CRIQ, le CNRC, DEC et Investissement Québec, qui inclut maintenant une partie du MEI.
L’offre est variée, à grande valeur ajoutée et comme une rivière sans fin.
Comme quoi les entreprises ne sont pas seules devant l’adversité.
Leur défi est de se faire connaître, d’assurer leur pertinence et de laisser de bonnes traces chez leurs entreprises clientes.
Les échos reçus confirment qu’une grande majorité arrive heureusement à le faire et représente une part importante du succès de notre secteur de la fabrication.
Au montage final, l’écosystème d’affaires manufacturier est une oeuvre réussie à tout point de vue.
Reste maintenant qu’à savoir l’apprécier et l’exploiter à sa juste valeur.
Cinq références à Pink Floyd se sont glissées dans ce texte, saurez-vous les retrouver?