ZOOM SUR LE MONDE. Le 20e congrès du Parti communiste chinois (PCC), qui s’est tenu à Beijing, du 16 au 22 octobre, a non seulement consacré l’immense pouvoir du président Xi Jinping (du jamais vu depuis Mao Tsé-toung), mais il marque aussi le déclin d’un modèle économique axé sur les entreprises privées. On mise désormais sur le renforcement du secteur public et de l’État policier, dans un pays où la croissance n’assure plus la stabilité politique.
L’enjeu est de taille pour le Canada. La Chine est notre deuxième marché d’exportation après les États-Unis, avec des expéditions de marchandises qui ont totalisé 28,2 milliards de dollars (G$) en 2021, selon Statistique Canada. C’est aussi notre deuxième marché d’importation, à 86 G$.
Aussi, tout changement à son modèle de développement économique a une incidence sur les entreprises canadiennes qui brassent des affaires avec la Chine, d’autant plus que son économie n’a plus sa vigueur d’antan.
Le PIB devrait croître de 3,2 % en 2022, puis de 4,4 % en 2023, prévoit le Fonds monétaire international.
C’est un niveau inférieur à la moyenne des pays de l’ASEAN-5 (Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande, Vietnam), dont la croissance devrait respectivement s’établir à 5,3 % et à 4,9 % en 2022 et 2023.
Taux de chômage record chez les jeunes
Le taux de chômage chez les jeunes (les 16 à 24 ans) est aussi très élevé, à 20 %, explique à Les Affaires Guy Saint-Jacques, ex-ambassadeur canadien en Chine et aujourd’hui fellow à l’Institut d’études internationales de Montréal (IEIM-UQAM). «Ça préoccupe le régime», dit-il. Ce n’est pas la seule chose qui préoccupe les autorités chinoises. Il faut ajouter la crainte d’assister à des critiques de plus en plus virulentes à l’égard de la stratégie gouvernementale «zéro COVID-19»— on confine des villes dès l’apparition de quelques cas —, qui exaspère la population.
C’est sans parler d’une frustration au sein de certaines entreprises étrangères, car il est de plus en plus difficile de faire des affaires avec ce pays. Un sondage réalisé au mois de mai par la Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine auprès de ses membres témoigne de ce sentiment.
Ainsi, 60 % des répondants ont réduit leurs prévisions de revenus en Chine en 2022, tandis que 23 % ont déclaré qu’ils envisagent de déplacer complètement leurs investissements hors de Chine, révèle le sondage dont fait état le Financial Times de Londres. Ce pourcentage de 23 % est le plus élevé enregistré au cours des dix dernières années.
Expulsion de Hu Jintao
La philosophie de développement économique de plus en plus affirmée de Xi Jinping n’augure rien de bon non plus pour les entreprises étrangères.
Rien n’est laissé au hasard en Chine. Aussi, l’expulsion savamment orchestrée et médiatisée de l’ex-président Hu Jintao, lors de la cérémonie de clôture du congrès, représente tout un symbole.
Hu Jintao, qui a dirigé la Chine de 2003 à 2013, était un réformiste et un partisan de la libéralisation partielle de l’économie chinoise. Bref, c’était un président dans la pure lignée de Deng Xiaoping, le père de l’ouverture graduelle de la Chine communiste à l’économie mondiale à la fin des années 1970.
Les raisons de son expulsion demeurent nébuleuses. Selon l’agence de presse officielle Xinhua, l’ancien président de 79 ans «ne se sentait pas bien», ce qui expliquerait pourquoi il aurait été invité à quitter les lieux.
Mais personne n’est dupe: il s’agit avant tout d’un message adressé aux autres membres du PCC présents dans la salle, estiment des spécialistes de la Chine. «Xi a éliminé toute opposition», affirme Richard McGregor, chercheur au Lowy Institute, un groupe de réflexion australien, cité par le quotidien français Le Figaro. D’une part, pour leur rappeler qui est désormais le vrai et unique chef en Chine, Xi Jinping, et ce, après des années de purges au sein du parti communiste sur fond d’une campagne anticorruption.
D’autre part, pour signifier clairement que le pays tournait la page sur un modèle économique axé sur les entreprises privées afin de créer de la richesse en Chine, et ce, pour se tourner davantage vers les grandes sociétés d’État.
Du reste, cette tendance s’observe de plus en plus depuis le début de la présidence Xi en 2013, rappelle la spécialiste de la Chine, Alice Ekman. «Non seulement le rôle du parti et de l’État dans l’économie chinoise n’a jamais cessé d’être fort depuis la création de la République populaire de Chine en 1949, mais celui-ci se renforce depuis l’arrivée de Xi Jinping», écrit la chercheuse dans son livre Rouge vif. L’idéal communiste chinois, publié en 2021.
Déclin du secteur privé, nouvelle socialisation de l’économie… Même s’il reste encore d’innombrables occasions en Chine, l’environnement d’affaires des entreprises canadiennes dans ce pays de 1,4 milliard d’habitants devient de plus en plus complexe et risqué.