Trois ans après le lancement d’Avantage Saint-Laurent, peu de projets sont entièrement opérationnels. (Photo: 123RF)
Avec l’initiative Avantage Saint-Laurent, lancée 2021, le gouvernement Legault veut moderniser les ports du Québec tout en créant un corridor économique intelligent le long du fleuve. Derrière cette «nouvelle vision maritime»se cache une urgence très concrète d’agir, alors que les ports de la côte est américaine ont déjà beaucoup investi dans leurs infrastructures. Retour sur une manoeuvre maritime à la fois complexe et nécessaire.
À la fin de la décennie 2010, l’engorgement au port de New York était tel que des armateurs préféraient décharger leur marchandise au port de Montréal, raconte Sophie Beauchemin, directrice des transports et de la stratégie maritime au ministère du Transport et de la Mobilité durable (MTMD). Depuis, poursuit-elle, la Grosse Pomme a investi massivement dans des infrastructures de pointe pour reconquérir ses parts de marché.
Le Québec doit suivre le mouvement, insiste la directrice. «La fluidité des transits est un élément qui est ressorti des consultations auprès de l’industrie. Les grands armateurs internationaux — que ce soit Hapag-Lloyd, Maersk ou autres — ont le choix d’aller à New York, à Halifax ou à Montréal. Lorsqu’un port devient plus efficace, ça lui donne un avantage concurrentiel.»
S’adapter à la réalité québécoise
Dans le contexte québécois, la «fluidité des transits»est une question complexe qui touche plusieurs facettes de la réalité maritime, dont la navigation sur le fleuve — qui pose des contraintes de tirant d’eau et de météo hivernale —, l’accès des navires aux quais, la gestion des stocks dans les cours portuaires et la gestion du trafic provenant des camions de livraison.
«Contrairement au port de Vancouver, qui est “océanique”, le Québec est dans une perspective de “corridor”, rappelle Mathieu St-Pierre, PDG de la Société de développement économique du Saint-Laurent (SODES). Le Saint-Laurent compte plusieurs ports et entités maritimes. La question est donc de savoir comment on peut bâtir une plateforme ou un protocole d’échange adapté à la réalité québécoise.»
En d’autres mots, comment parvenir à ce que l’information circule de manière fluide entre tous les acteurs du secteur maritime, incluant les administrations portuaires, les opérateurs de terminaux, les armateurs locaux et internationaux, les transporteurs terrestres ainsi que les utilisateurs finaux qui veulent déplacer leurs marchandises d’un point A à un point B ?
Lors du lancement d’Avantage Saint-Laurent, la SODES a reçu le mandat de développer le «corridor économique intelligent»en partenariat avec l’industrie maritime et le MTMD. «Lors des premières rencontres, on s’est rendu compte qu’il y avait différents besoins en termes de connaissances, d’éducation et de pédagogie», constate le PDG de la SODES. Le gouvernement a dès lors demandé une étude préliminaire sur les meilleures pratiques internationales en matière de partage de données ainsi qu’un audit sur ce qui se fait au Québec. Pendant ce temps, les principaux acteurs du secteur cherchent à standardiser leurs données et leurs processus opérationnels.
Les ports comme leviers de développement
Parallèlement au chantier de partage des données, le gouvernement du Québec a annoncé plusieurs investissements dans des infrastructures physiques:10 millions de dollars (M $) pour la modernisation du terminal Monseigneur-Blanche, à Sept-Îles, 130 M $pour un terminal de conteneurs à Contrecoeur, 105 M $pour un convoyeur et des capacités énergétiques à Saguenay. Et c’est sans compter l’aide fédérale, qui se chiffre à plusieurs millions de dollars elle aussi.
À certains endroits, l’objectif est de soutenir le développement régional par une politique «industrialo-portuaire»plus agressive que dans le passé. À d’autres endroits, les investissements visent à promouvoir le transport maritime courte distance. «En raison d’enjeux environnementaux, le gouvernement souhaite assister à un transfert du transport par camion à un transport maritime sur courte distance, annonce Sophie Beauchemin. Toutefois, ce n’est pas simple à mettre en place. La chaîne logistique est organisée autour du camionnage. Puis, il y a un enjeu sur le plan des bateaux:pour que ce soit rentable pour les armateurs, le transport doit se faire avec des flottes de petits navires, qui sont moins disponibles sur le Saint-Laurent.»
Pour le moment, on relève beaucoup d’annonces gouvernementales, d’études de faisabilité et de travaux «sous le point de commencer». Mais peu de projets entièrement opérationnels. Trois ans après le lancement d’Avantage Saint-Laurent, le secteur maritime semble toujours «chercher le vent»qui l’aidera à réaliser sa manoeuvre ambitieuse.
Cet article a initialement été publié dans l'édition papier du journal Les Affaires du 21 février.