Un exercice de sensibilisation pourrait être nécessaire pour convaincre certains entrepreneurs réticents de l’urgence d’agir. (Photo: 123RF)
CONSTRUCTION. Si tous les acteurs de l’industrie s’entendent pour dire que la transition énergétique du bâtiment doit passer en seconde vitesse, les défis s’annoncent considérables. Une armée de professionnels devra notamment être formée alors que le personnel manque déjà à l’appel. Et ce n’est que le début.
La conversion ou la rénovation d’un bâtiment existant pour le rendre plus performant est un exercice complexe. Il faudra une industrie de fournisseurs et d’entrepreneurs de toutes sortes qui sont capables de comprendre les nouvelles normes et de mettre à niveau les immeubles.
Un projet de loi comme celui sur la performance énergétique des bâtiments est toujours « un choc » pour les propriétaires d’immeubles, estime la professeure titulaire de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, Andrée De Serres. « Ils n’ont par exemple pas appris à récolter leurs données énergétiques. »
Un exercice de sensibilisation pourrait être nécessaire pour convaincre certains entrepreneurs réticents de l’urgence d’agir.
Andrée De Serres reconnaît les défis que représentent ces changements pour les petits entrepreneurs, surtout en immobilier résidentiel. Il faut aider les PME à faire face à cette nouvelle réalité et à adapter leur modèle d’affaires, croit-elle.
« Ils ont la tête dans le guidon. Ils travaillent sur le chantier, ils font de l’administration, ils ne comptent pas leurs heures. Il y a des changements qui vont les toucher, mais qu’ils n’ont peut-être pas le temps d’apercevoir. » Or, il faut se préparer pour demeurer compétitif.
Outiller les travailleurs
La titulaire de la Chaire Ivanhoé Cambridge en immobilier indique que d’autres pays ont créé un éventail d’accompagnement, tant à l’échelle fédérale et provinciale que municipale.
Elle propose d’offrir aux entrepreneurs de l’aide au diagnostic avec des consultants érudits en la matière. La BDC ou Investissement Québec pourraient également mettre sur pied des programmes de soutien. Déjà, des formations sur le sujet s’adressent aux différents corps de métier de la construction.
Bâtiment durable Québec constate aussi que l’aide financière à la transition pourrait être élargie. « C’est important qu’on se donne les moyens d’atteindre nos objectifs de décarbonation », précise sa présidente, Julie-Anne Chayer.
« La formation appropriée pour les entrepreneurs qui veulent adopter ces méthodes de construction nécessite du temps, dans un contexte où on est en surdemande », relève de son côté Guillaume Houle, responsable des affaires publiques à l’Association de la construction du Québec. Son association prépare donc des formations en lien avec la construction durable et l’utilisation des nouveaux matériaux.
Un besoin de cohérence
Julie-Anne Chayer plaide pour sa part pour une certaine cohérence dans les réglementations en vigueur. « On ne doit pas reculer sur certaines certifications. Il faut rester ambitieux », dit-elle.
Plusieurs organisations de l’industrie craignent d’ailleurs que le nouveau Code québécois du bâtiment durable, qui s’ajouterait au Code de construction existant et aux réglementations municipales, se traduise par une montagne de paperasse.
L’Union des municipalités du Québec et le Centre québécois du droit en environnement s’inquiètent en outre du cadre contraignant pour les villes. Les deux organismes espèrent que les municipalités pourront continuer d’instaurer des règles plus strictes que la norme nationale en fonction des particularités de leur territoire.
Et l’argent dans tout ça ?
Quand vient le temps d’énumérer les principaux obstacles à la construction durable ou passive, l’argent arrive souvent en premier. C’est pour cette raison que Guillaume Houle estime qu’on devrait démocratiser ces modes de construction. Plus ils vont se répandre, plus ils seront abordables.
« C’est un peu le même principe qu’avec la voiture électrique. Oui, on réduit notre empreinte de gaz à effet de serre en l’utilisant, mais son prix est plus élevé parce qu’on est encore dans la transition et qu’il y en a moins sur le marché. Plus elle sera disponible, plus les prix se réguleront. C’est la même chose avec les matériaux performants. »