Julie-Anne Chayer, présidente de Bâtiment durable Québec (Photo: courtoisie)
CONSTRUCTION. Les bâtiments performants réduisent la facture énergétique et notre empreinte sur la planète. Les avantages des constructions durables et passives ne se limitent néanmoins pas qu’à cela. Ces édifices résilients tiennent bon face aux tremblements de terre, aux inondations et aux autres catastrophes naturelles.
Les impacts dévastateurs des changements climatiques s’observent d’un océan à l’autre. Les feux de forêt ont généré des dommages majeurs l’an dernier, de la Colombie-Britannique au Québec en passant par Terre-Neuve.
La tempête de verglas qui a frappé la belle province et l’Ontario en avril 2023 a causé à elle seule 330 millions de dollars de dommages assurés, selon les chiffres du Bureau d’assurance du Canada. Des municipalités du Québec sont aussi plus fréquemment touchées par les inondations ou les glissements de terrain.
On le constate, l’inaction face à l’urgence climatique a un prix. « Tous les bâtiments devraient être durables. Ça devrait être la normalité, surtout pour se protéger des catastrophes naturelles », lance avec conviction Andrée De Serres, professeure au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale à l’ESG UQAM, qui croit qu’à bâtiment durable s’associe bâtiment résilient.
L’apprentissage en bâtiment durable s’est fait à coups d’essais et d’erreurs, rappelle-t-elle. « Par exemple, on sait maintenant que les immeubles construits dans une région où le risque de feu de forêt est élevé ne doivent pas se coiffer d’un toit en bardeaux inflammables. »
Selon elle, la construction résiliente est aussi une question de sécurité civile, en particulier dans les villes. « Si le bâtiment est dégradé et qu’un incendie prend ou que des matériaux tombent, ça affecte l’immeuble voisin bien entretenu. On est très tributaire de la qualité des autres dans le quartier. »
Évolution nécessaire
Julie-Anne Chayer, présidente de Bâtiment durable Québec, ajoute que plus on intègre des principes de construction durable dans un bâtiment, plus on réduira les risques climatiques. Aux États-Unis, remarque-t-elle, plusieurs éléments sont déjà pris en compte, comme la gestion des eaux pluviales.
« La vision derrière ces modes de construction est de s’assurer que le bâtiment pourra affronter les intempéries et éventuellement protéger les usagers. Il pourra aussi d’une certaine manière régénérer la nature », dit-elle.
Comme son nom l’indique, un bâtiment durable devrait en soi être fait pour durer. Or, selon l’APCHQ, les matériaux ne passent pas tous l’épreuve du temps. « Un recycleur de bâtiments me confiait qu’avant, en démolissant dix maisons, il pouvait en rebâtir trois. Aujourd’hui, il n’en reconstruit même pas une. Le jetable a un coût », illustre le directeur des services techniques Marco Lasalle.
Les changements climatiques entraînent des conséquences que les bâtiments ne sont pas conçus pour gérer. C’est le cas notamment des pluies de janvier, qui créent des refoulements de glace sur les toits, empêchant l’eau d’être drainée. « Les pluies diluviennes, qui vont déborder les égouts, remettent en question l’existence des sous-sols. Il faudra réfléchir à la façon de les concevoir si on continue d’en construire. »
Rester confortable en cas de panne
Mahnaz Nikbakht, présidente de Bâtiment passif Québec, souligne qu’un bâtiment passif n’offre pas uniquement des économies d’énergie. Il s’accompagne aussi d’une résilience hors pair. « Une maison performante permet de rester chez soi quelques jours sans problème en cas de panne d’électricité », assure-t-elle.
Elle continue en disant que le Québec a une énergie propre, oui, mais que la résilience n’est pas à négliger. « C’est un élément super important. Ça va faire en sorte que l’enveloppe de notre bâtiment sera performante, peu importe ce qui se passe. Au centre-ville de Montréal, toutes les tours de condos qui sont faites de revêtement vitré auront un problème en cas de panne. Les résidents auront soit trop chaud ou trop froid, selon l’orientation de leur appartement et la saison. »
Des exemples inspirants
Le Québec compte déjà quelques initiatives en construction durable et résiliente. La Ville de Québec développe par exemple présentement un projet de valorisation de la vapeur de son incinérateur à déchets. La vapeur récupérée pourrait servir à alimenter le nouvel hôpital de l’Enfant-Jésus d’ici la fin de l’année.
Selon le gouvernement provincial, cette valorisation des rejets thermiques permettrait de réduire les émissions de GES du centre hospitalier de 10 000 tonnes d’équivalent CO2 par année. Pour donner une idée, c’est comme retirer plus de 2 900 véhicules légers des routes.
À Montréal, le projet de logement social Place Griffintown a été conçu selon une approche résiliente et adaptée aux changements climatiques. Les occupants bénéficient d’une ventilation naturelle, d’une enveloppe de bâtiment ultra performante et de végétation abondante à l’extérieur. La masse thermique dans le système de plancher contribue également au chauffage passif en hiver et à la modulation de la température en été.
Cet article a initialement été publié dans l'édition papier du journal Les Affaires du 20 mars 2024.
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