L'interdisciplinarité comporte son lot de défis


Édition du 25 Octobre 2023

L'interdisciplinarité comporte son lot de défis


Édition du 25 Octobre 2023

Chevalier Morales a notamment conçu l’Agora des arts, à Rouyn-Noranda, qui a nécessité l’apport de nombreux professionnels aux profils variés. (Photo: courtoisie)

ARCHITECTURE. S’appuyer sur l’interdisciplinarité comporte de multiples avantages — et également quelques défis — pour les architectes, convaincus que les bâtiments conçus ainsi répondent mieux aux besoins des clients et des usagers. Mais comment bien concilier les expertises de chacun ?

Doté d’une fenestration sur 360 degrés, le Centre de glaces Intact Assurance, à Québec, se démarque en brisant la frontière entre l’intérieur et l’extérieur. Cet élément qui rend le bâtiment unique aurait pourtant pu ne pas voir le jour.

« Quand on a proposé une immense bande de fenêtres tout le tour, le client a d’abord dit non, raconte l’associé principal de la Division de la conception chez Lemay, Éric Pelletier. Tranquillement, l’idée a fait son chemin, le client nous a fait confiance et c’est ce qui fait aujourd’hui le succès de la patinoire. » 

La réalisation audacieuse, réalisée par le consortium Lemay + Ardoises architecture, en collaboration avec les ingénieurs de CIMA+ et d’EMS ingénierie ainsi que la firme de réfrigération Delisle, Despaux et Associés pour la Ville de Québec, illustre bien la force d’une équipe interdisciplinaire. 

Cet échange, cette possibilité de pousser la réflexion plus loin en utilisant les expertises de chacun constitue selon l’architecte l’un de ses avantages majeurs. « Plus le client est ouvert à ce dialogue, plus on bonifie le projet », croit-il.

 

Ouvrir le champ des possibles 

Stéphane Pratte, cofondateur et architecte principal sénior d’in situ atelier d’architecture, abonde en ce sens. « L’interdisciplinarité permet d’aborder la problématique de façon beaucoup plus globale. Le concept adresse l’ensemble des enjeux et crée un projet plus intégré, plus intelligent », estime-t-il.

Il donne en exemple les structures d’accueil des jardins de Métis, créées conjointement par son agence avec des architectes de paysage et une entreprise de communication graphique. « On a réalisé ensemble un bâtiment-paysage qui combine la signalisation. Cette collaboration nous a permis de sortir des sentiers battus. »

Paule Bourdon, architecte associée chez STGM architecture, croit que les clients ont saisi la valeur ajoutée de l’interdisciplinarité. « Lorsqu’elle est bien orchestrée, l’approche engendre des économies sur le coût total du projet et répond mieux aux besoins des occupants ainsi qu’aux attentes des parties prenantes, car elles font toutes partie de l’équation. »

S’ils peuvent sembler plus longs, les modes collaboratifs permettent selon elle d’arriver avec des solutions mieux réfléchies, plus consensuelles et donc plus pérennes.

Le cofondateur de Chevalier Morales renchérit. « Notre but est d’offrir des bâtiments mieux adaptés à la communauté qu’ils desservent, lance Sergio Morales. Je pense qu’on augmente de beaucoup le taux de satisfaction si on travaille de façon interdisciplinaire, si on consulte plus largement. S’ils sont acceptés par la population, les projets deviennent durables parce qu’on garde plus longtemps ce qu’on apprécie. » 

Son bureau a notamment conçu l’Agora des arts, à Rouyn-Noranda, qui a nécessité l’apport de nombreux professionnels aux profils variés. « Le projet initial n’avait pas de studio de création. Il a été ajouté grâce à la contribution du client. Quand on est à l’écoute, des solutions nouvelles se présentent. »

 

Élargir ses connaissances

Bousculer l’ordre établi demande tout de même une certaine volonté. « C’est un défi de rassembler des gens qui ont assez de connaissances générales des autres disciplines pour tenir des discussions éclairées et développer des concepts capables de répondre aux problématiques de chaque discipline », souligne Stéphane Pratte.

Il ajoute que pour cette raison, il est essentiel aujourd’hui que l’architecte possède des notions en structure et en mécanique du bâtiment.

Même si on comprend ainsi mieux « les limites et les possibilités » de chaque intervenant, Deirdre Ellis, architecte associée chez NFOE, avoue qu’il peut être inconfortable de se faire questionner sur sa profession par d’autres professionnels. « C’est une opportunité de mieux expliquer notre travail, croit-elle néanmoins. Les plans et devis ne sont que notre façon de communiquer notre raisonnement et nos solutions. On dépend de nos collègues ingénieurs pour concrétiser cette vision. » 

Pour concilier les expertises de chacun, NFOE mise sur les réunions dès le début du projet. « On se retrouve parfois avec des gens qui n’ont jamais eu à répondre à des questions si tôt dans le processus. Ça peut leur prendre quelques rencontres pour s’habituer », remarque Deirdre Ellis. 

En cette période où on s’arrache les talents, l’architecte associée veille également à ce que le plaisir soit au rendez-vous pour son équipe. « Les échéanciers sont courts et les budgets sont serrés. Si on doit reprendre notre travail inutilement, ce n’est pas plaisant. L’interdisciplinarité évite les mauvaises surprises puisqu’on résout les problèmes en cours de route. » 

Malgré la difficulté de mobiliser une grande équipe vers un objectif commun, Paule Bourdon assure que les avantages de l’interdisciplinarité l’emportent largement sur les défis. « En fin de compte, c’est avec les meilleurs intervenants que l’on réussit à réaliser les meilleurs projets. »

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