En présentant son second budget, jeudi, la ministre des Finances Chrystia Freeland a tenté de vendre le fait que ce budget était «empreint de responsabilité fiscale»… On a déjà vu plus responsable, quand même, selon Raphaël Melançon. (Photo: La Presse Canadienne)
BUDGET FÉDÉRAL. C’est un cinquième budget consécutif écrit à l’encre rouge que le gouvernement Trudeau a déposé, jeudi, à la Chambre des communes.
En fait, en près de sept ans au pouvoir, les libéraux fédéraux n’ont jamais présenté un seul budget équilibré. Un phénomène qui leur a valu le titre peu enviable de gouvernement le plus dépensier — et de loin — de l’histoire du pays depuis 1867.
En campagne électorale en 2015, Justin Trudeau avait pourtant promis de s’en tenir à des «déficits modestes» de plus ou moins 10 milliards de dollars (G$) par année sur trois ans, tout au plus. Cinq budgets plus tard, force est de constater qu’il n’a jamais tenu parole.
La carte de crédit des générations futures
Avec un déficit totalisant près de 53 G$, ce budget vient creuser encore un peu plus la dette publique fédérale. Certes, le manque à gagner est plus de deux fois moins élevé que l’an dernier, mais la situation économique actuelle est tout de même peu comparable avec celle que nous vivions alors que nous étions au beau milieu d’une crise mondiale au printemps 2021. On ne pourra pas non plus éternellement utiliser la pandémie comme prétexte pour justifier des dépenses déraisonnables.
Dans les faits, ce budget, qui comprend environ 30 G$ en nouvelles dépenses, notamment en matière de logement, d’environnement et de soins dentaires (question d’honorer la nouvelle entente PLC-NPD), aurait pu être bien plus déficitaire n’eût été de la bonne performance de l’économie et de la hausse du coût de la vie qui ont permis de générer des revenus fiscaux inattendus — 12 G$ supplémentaires — pour Ottawa.
Au-delà de cette année, les prévisions sur cinq ans ne sont guère plus rassurantes, alors que le gouvernement Trudeau n’anticipe aucun retour à l’équilibre budgétaire dans un avenir rapproché. Le festival du déficit risque donc de se poursuivre au moins jusqu’en 2027, sinon plus.
En présentant son second budget, jeudi, la ministre des Finances Chrystia Freeland a tenté de vendre le fait que ce budget était «empreint de responsabilité fiscale»… On a déjà vu plus responsable, quand même.
En refusant ainsi de prendre au sérieux l’ampleur de ses déficits consécutifs, le gouvernement fédéral va léguer aux générations futures un cadeau explosif, une dette faramineuse que nos enfants et nos petits-enfants seront pris pour rembourser à notre place quand le party sera fini et que nous ne serons plus là pour payer la facture.
Pour citer l’analyste de l’Institut économique de Montréal (IEDM), Gabriel Giguère: «[…] on nous parle d’équité intergénérationnelle, mais pour ce qui est de la dette fédérale, on voit que ce concept est secondaire.»
Est-ce vraiment le genre d’héritage que nous souhaitons laisser derrière nous?
S’armer pour la paix
L’invasion russe en Ukraine est venue rappeler tragiquement au monde entier à quel point la paix et la stabilité mondiales peuvent être fragiles.
Face à ce constat, on ne peut rester les bras croisés. Alors que nos alliés stratégiques font face à une menace croissante de la part du géant russe, le Canada se devait avec ce nouveau budget d’augmenter ses dépenses militaires afin de se préparer à affronter le pire advenant une aggravation de la situation en Europe de l’Est.
Avec près de 8 G$ supplémentaires, Ottawa renforcera ainsi ses capacités militaires au cours des cinq prochaines années, entre autres via l’acquisition de nouveau matériel. Mais à seulement 1,5% de notre PIB, nos investissements en défense restent encore bien loin de la cible annuelle de 2% fixée par l’OTAN. À ce niveau, on rate l’objectif.
On l’oublie peut-être souvent, mais à l’extrême nord de nos frontières, la Russie est un voisin direct du Canada. Les Russes ont depuis longtemps un œil sur l’Arctique canadien, sur son passage du nord-ouest et sur les ressources naturelles et pétrolifères qu’il pourrait receler.
Vladimir Poutine a démontré hors de tout doute durant les deux derniers mois qu’il était assez fou, sanguinaire et imprévisible pour être capable d’attaquer d’autres pays. Oserait-il aller jusqu’à s’en prendre à un pays membre de l’OTAN, au risque de déclencher une troisième guerre mondiale? Chose certaine, nous devons nous assurer sans plus tarder d’être prêts à faire face à une telle éventualité, aussi effroyable soit-elle.
Ottawa devra donc en faire encore plus et plus vite pour accroître notre capacité à défendre notre territoire, mais aussi nos alliés européens si jamais la situation le requiert. Si le conflit avec la Russie continue de s’envenimer dans les prochaines années, il sera malheureusement trop tard à ce moment pour regretter notre manque de prévoyance lorsqu’il était encore temps d’agir et d’investir dans le renforcement de notre armée.
Si vis pacem, para bellum — «Si tu veux la paix, prépare la guerre», dit le vieux dicton. Une armée adéquatement outillée agit comme une force de dissuasion pour nos ennemis, nous prémunissant ainsi contre de possibles attaques.
Le Canada aurait certainement tout intérêt à s’inspirer davantage de cette maxime.