Source photo: PDAC
Les mois d’hiver favorisent les retrouvailles dans l’industrie minière. Cette année, comme d’habitude, les grands intervenants du secteur se sont d’abord retrouvés en Floride, fin février, pour la rencontre annuelle BMO Capital Markets Global Metals & Mining Conference.
Quelques jours plus tard, du 4 au 7 mars, s’ouvrait à Toronto la rencontre annuelle de la Prospectors & Developers Association of Canada (PDAC), un mégacongrès dont le programme d’activités fait plus de 100 pages!
En plus des nombreuses présentations au programme, la conférence en Floride s’apparente à du « speed dating ». Les minières y rencontrent un à un des investisseurs, parfois lors de deux ou trois entretiens, mais aussi parfois jusqu’à… trente!
Vous aurez compris qu’aucune minière invitée ne se permet de rater ce rendez-vous. C’est souvent le premier coup de sonde des investissements de l’année à venir.
La rencontre à Toronto (PDAC), quant à elle, est devenue LE rendez-vous de l’industrie, avec 25 606 inscriptions bien comptées cette année, des centaines de conférenciers et une effervescence générale qui témoigne de l’optimisme (tout de même prudent) du secteur minier au Canada.
Les plus grandes sociétés minières canadiennes ont entamé une période de stabilité relative. Elles ont remboursé leurs dettes, amélioré leur bilan et investi judicieusement dans les projets existants, une tendance qui suit celle observée à l’échelle mondiale dans le secteur.
Pour accroître leur efficience et maintenir une certaine souplesse, plusieurs grands joueurs choisissent d’investir dans les nouvelles technologies, comme l’automatisation et l’analyse des mégadonnées, et ce, afin d’optimiser la rentabilité à long terme.
Cette prudence généralisée coïncide avec la stabilité relative des prix de la plupart des marchandises, en particulier l’or, au cœur des activités de nombreuses sociétés minières inscrites à la Bourse de Toronto.
On observe également une remontée des prix de certaines marchandises alimentées par les nouvelles technologies de production et de stockage d’électricité, ce qui laisse entrevoir une stimulation de la demande pour ces produits de base à long terme.
Les prix des marchandises, qui demeurent stables et modérés, créent un climat de « confiance prudente » au regard des perspectives de croissance de 2018.
Les nouveaux investisseurs dans le secteur minier
Les deux grands rassemblements ont mis en relief, cette année, deux catégories d’investisseurs : les nouveaux venus et les joueurs traditionnels de l’industrie.
Sans surprise, les nouvelles « recrues » de l’investissement s’intéressent à la demande mondiale et croissante des véhicules électriques et des systèmes de stockage d’énergie. Ces secteurs en émergence ouvrent de nouveaux marchés pour des métaux tels le cobalt, le lithium, le graphite, le nickel, etc.
Certains qualifient ces investisseurs d’opportunistes et de spéculateurs ayant parfois une stratégie d’investissement à court terme. Cela n’est pas toujours négatif en affaires, mais il est évident que ces nouveaux joueurs viennent brouiller les cartes des minières établies dans les grands marchés mondiaux.
Tous connaissent bien les défis liés à la recherche de capitaux. Mais au fur et à mesure que se déploient de nouveaux secteurs d’investissement, la portion des capitaux disponibles pour les mines des secteurs traditionnels diminue.
Est-ce ce qui arrive au secteur aurifère en ce moment?
C’est le regard très réaliste que posait Sean Roosen, l’un des leaders de l’industrie minière au Canada et à travers le monde, lors d’une présentation au jour 2 du congrès PDAC.
Rappelons qu’il est président du conseil et chef de la direction de Redevances Aurifères Osisko et un membre fondateur de Corporation Minière Osisko, qui a été en charge de l’élaboration d’un plan stratégique pour la découverte, le financement et la mise en valeur de la mine Canadian Malartic en Abitibi.
Bref, une personne qui connaît bien l’investissement minier.
Il précise d’abord que l’investisseur du secteur minier affiche un solide profil de tolérance au risque doublé d’une confiance mesurée d’obtenir, tôt ou tard, des rendements élevés proportionnels au niveau de risque assumé.
Or, toujours selon Roosen, ces types d’investisseurs ont de plus en plus de choix par les temps qui courent.
Les nouveaux marchés des cryptomonnaies, de l’intelligence artificielle, du cannabis bientôt légalisé au Canada, sans oublier les milliers de titres boursiers qui ont affiché de bons résultats dans les dernières années, particulièrement en 2017, représentent de bonnes alternatives pour ces investisseurs.
Même si le secteur minier se porte mieux, les investisseurs ont d’autres belles occasions d’investir, souvent dans des secteurs moins réglementés que celui des mines.
Dans ce contexte, Sean Roosen a raison de dire que l’industrie devra faire preuve d’imagination pour attirer les jeunes générations d’investisseurs qui démontrent actuellement un plus grand intérêt dans les titres de... cannabis!
Sean Roosen s’est également dit préoccupé face à l’accroissement des fonds d’investissement généralistes « passifs » qui gagnent en popularité avec l’usage des algorithmes.
«Plus il y a de fonds passifs, plus les investissements miniers risquent de diminuer, car il est difficile d’avoir un rendez-vous avec un ordinateur pour le convaincre d’investir dans un nouveau projet minier qui n’a aucun historique!».
On comprend alors à quel point les fonds qui font l’objet d’une gestion active et diligente, les fonds dits «actifs », sont importants pour le secteur minier!
Le plan canadien pour les minéraux et les métaux
Par ailleurs, un autre enjeu est sur l'écran radar de l'industrie.
Le gouvernement canadien a amorcé dernièrement une vaste consultation auprès des compagnies minières, des Premières nations ainsi que des citoyens des provinces et des territoires, afin d’élaborer un Plan minier canadien au cours de 2019.
L’objectif ? Maintenir et accroître le leadership du secteur minier dans le monde.
Bien entendu, plusieurs sujets sont abordés : l’innovation, les cadres réglementaires, les avantages aux collectivités, la diversification de la main-d’œuvre et la participation des peuples autochtones.
Mais quelles seront les mesures qui concrètement permettront au Canada de conserver sa position enviable sur l’échiquier mondial considérant les dernières avancées des autres juridictions à travers le monde dans ces domaines?
Est-ce que nous nous attaquerons à la lourdeur réglementaire et au manque d’agilité des instances gouvernementales par exemple?
Des enjeux majeurs qui ralentissent, parfois qui paralysent, les ambitions de croissance des sociétés.
Quoi qu’il en soit, c’est toujours positif d’asseoir ensemble différents partenaires d’un secteur aussi névralgique pour les provinces et les territoires concernés, d’examiner diverses problématiques et de dresser des plans pour le futur.
Mais encore faut-il que des mesures concrètes en découlent et que les parties prenantes fassent partie des solutions.
Certainement un dossier à suivre au cours des prochains mois.