(Photo: Uriel Soberanes pour Unsplash)
CHRONIQUE. Fake it until you make it ! Cette idée ou méthode issue des années 1970 est-elle un vestige de la génération des baby-boomers ou encore largement d'actualité ?
Le concept est assez élémentaire. Avoir foi en soi pour mieux performer. C'est en fait dans les années 1920 qu'a été introduite par le psychothérapeute Alfred Adler la notion de «faire comme si». Attention, on ne fait pas semblant d'avoir des compétences précises, mais plutôt on agit en feignant de ne pas avoir peur et de manquer de confiance en soi. Pas question de faire semblant d'être un génie de la finance ou de la médecine si on n'a pas la formation et la compétence. Ce serait de la pure fraude et de la fausse représentation. Donc, le fameux Fake it until you make it relève plutôt du «je suis capable» et donc... «je vais y arriver». En apprivoisant ce qui nous fait mal, cela nous aide à mieux naviguer pour surmonter ce qui nous frappe.
Récemment, un dirigeant d'entreprise suggérait que le remède à une gestion d'une situation difficile était cette idée de faire semblant. Dans le contexte, cela voulait dire que pour se sortir d'une impasse ou faire face à l'adversité, il faut faire comme si on allait surmonter l'épreuve avec optimisme et volonté et en avoir le courage nécessaire. La force d'y arriver suivra, en remplaçant la peur d'échouer par la volonté d'y arriver.
J'avoue que ce qui m'a apparu, au premier abord, comme une sorte de politique de l'autruche d'une autre époque peut se révéler, en fait, une stratégie efficace. Il y a du bon dans le fait de se tenir debout dans l'adversité et de ne pas se laisser abattre par les forces contraires. Combattre l'adversité en affichant force et droiture, et en se convainquant que rien ne dure et que la tempête va passer. Les entreprises qui font preuve de résilience par rapport à des difficultés financières ou des perturbations économiques ou de marché en reviennent plus fortes. Développer de l'agilité et se concentrer sur l'essentiel : bien servir ses clients, bien traiter ses employés et ne jamais cesser de regarder en avant. Autant de tactiques pour lutter contre les éléments perturbateurs et entretenir la solide conviction que le meilleur est à venir. Au-delà de la résilience, il faut de la patience dans cet exercice.
C'est exactement à ce moment que j'ai pensé à la philosophie japonaise du «gaman», qui signifie «patience, persévérance et tolérance» : faire de son mieux dans les temps difficiles en gardant une maîtrise de soi et une discipline. Il y a dans l'histoire du Japon et de sa culture de quoi inspirer un modèle de leadership pour résister à l'adversité. Soyons donc ouverts aux anciennes théories (lire : message aux jeunes générations).
Si, au lieu de se battre contre les vents de face, on faisait plutôt du judo avec ?
Le judo, «voie de la souplesse», a été créé en tant que pédagogie physique, mentale et morale au Japon par Jigoro Kano. Cet art martial entre dans la catégorie des sports de combat et fait partie des disciplines olympiques. Ce sport hautement compétitif a comme objectif de projeter et d'amener l'adversaire au sol, de l'immobiliser et de l'obliger à abandonner.
Le judo repose sur trois principes : 1. Ju no ri : le principe de l'adaptation; 2. Seiryoku Zenyo : le meilleur emploi de l'énergie; 3. Jita Yuwa Kyoei : la prospérité mutuelle par l'union des forces.
Transporter ces éléments dans l'univers professionnel revient à se concentrer sur les éléments suivants :
- La discipline pour acquérir une meilleure maîtrise de ses capacités et du contrôle de soi.
- La patience pour savoir attendre le bon moment pour profiter d'un moment de faiblesse ou d'inattention de votre opposant (que ce soit la situation ou un individu).
- Le respect comme modèle d'action pour agir d'égal à égal et évoluer sur le plan mental pour trouver l'état d'esprit le plus juste.
- Le transfert de vos connaissances dans la collectivité. Un des principes du judo est qu'une fois que vous maîtrisez assez bien la pratique de ce sport, vous l'enseignez aux jeunes générations (notons ici encore combien le transfert du savoir aux prochaines générations est clé : «Chère relève, on pense à vous depuis des millénaires.»).
La façon d'aborder l'adversité est la clé. Si la pénurie de main-d'oeuvre ressemble à un sport de combat pour de nombreuses organisations, pourquoi ne pas s'inspirer de la philosophie des arts martiaux ?
Le «leader judoka» est comme un roseau qui plie sous la tempête devant un chêne imposant et lourd, mais qui résiste à l'orage en apprenant à danser avec le vent. À se demander si Jigoro Kano et Jean de la Fontaine étaient connectés. Relisez d'ailleurs «Le chêne et le roseau» des Fables de la Fontaine pour vous en convaincre...
Finalement, la résistance du roseau pour «faire comme» s'il était aussi fort que le chêne lui a bien servi. Belle leçon de leadership pour nos environnements de perturbations en tout genre, n'est-ce pas ?