Au milieu du brouillard, le bien-être des employés reste encore et toujours le meilleur phare. (Photo: Evgeni Tcherkasski pour Unsplash)
BILLET. On en a parlé tout l’été et voilà que, dans un énième rebondissement, le retour au bureau n’aura finalement pas lieu à la rentrée.
Cela donne un peu de répit aux entreprises qui, pour la plupart, n’ont toujours pas annoncé de politique de télétravail claire, nous apprennent les sondages. De leur côté, les employés sont anxieux de savoir à quoi ressemblera leur future nouvelle réalité. C’est légitime.
Personne ne retournera au bureau dans les mêmes conditions qu’ils l’ont quitté en mars 2020: les espaces ont été réaménagés, souvent réduits, et de nouvelles façons de travailler avec de nouveaux outils ont été instaurées. Bâtir de nouvelles routines et s’y adapter sera épuisant. Dans ce processus d’essai et d’erreurs, les entreprises devront faire preuve de flexibilité et d’empathie, et les employés, de patience et d’indulgence.
Déjà bien éprouvés par leur rôle tampon, les gestionnaires auront la responsabilité supplémentaire de relever un défi inédit: gérer des équipes en mode hybride. Ils devront notamment lutter contre un biais de proximité qui les amèneraient à favoriser inconsciemment les personnes venant davantage au bureau, pénalisant au passage la progression de celles qui, pour différentes raisons, préféreront le travail à la maison. La priorité est donc de s’assurer que tout le monde est sur un pied d’égalité.
Pour cela, peu importe la politique de télétravail adoptée, il faudra penser numérique d’abord, physique ensuite. On voit ainsi émerger de nouvelles façons de fonctionner, comme planifier en réunion du temps pour les échanges informels ou instaurer un facilitateur attitré pour les personnes à distance. Certaines entreprises vont plus loin en éliminant au maximum les réunions pour miser sur les communications asynchrones.
La technologie jouera évidemment un rôle de premier plan et la compétition est féroce entre les géants de la Silicon Valley pour s’imposer comme la nouvelle solution hybride. Les joueurs majeurs ont multiplié les annonces à cet effet dès cet été. Zoom a sorti plus de 50 nouvelles fonctionnalités, notamment « Zoom Room », qui s’appuie sur l’intelligence artificielle pour que les télétravailleurs ne soient pas relégués à être des acteurs de second plan en réunion. Teams a présenté de son côté «Icebreaker», qui reproduit les rencontres spontanées à la machine à café en jumelant des employés de manière aléatoire afin qu’ils aient une courte discussion. La possibilité d’une transcription automatique des réunions a aussi fait son apparition. Les entreprises auront donc l’embarras du choix pour trouver la solution qui leur correspond.
Le retour au bureau en mode hybride pose également la question de la culture de l’entreprise. Celle-ci s’incarne par les valeurs officielles et officieuses, les comportements valorisés, les petits rituels, les façons de communiquer — l’ensemble de ces règles non écrites pourtant toujours comprises et adoptées par les employés. Longtemps reléguée au département RH ou, pire, au comité social, la question de la culture est devenue centrale pour les dirigeants et fait partie des raisons principales citées par les adeptes du retour en présentiel. Vivante et organique, la culture d’entreprise a pourtant su prouver qu’elle n’est pas réduite à un lieu physique et qu’elle peut continuer à exister sans les avantages traditionnellement offerts, comme les tables de ping-pong, les fruits à volonté ou les 5 à 7 alcoolisés. Comprendre ce qui la caractérise permettra d’en faire le socle sur lequel les entreprises pourront s’appuyer pour maintenir une cohésion d’équipe et une bonne collaboration durant ces prochains mois incertains.
Puisque l’horizon reste trouble malgré un taux de vaccination encourageant, les dirigeants devront cet automne continuer à naviguer à vue pour prendre des décisions majeures concernant leur parc immobilier, les nouveaux outils technologiques à implanter, la prise de position quant à la vaccination des employés et même la mobilité de ceux-ci. Pour se guider, ils devront écouter la voix de leurs équipes, comme dans ces jeux d’enfants où l’on avance à l’aveugle en devant se fier à son prochain pour s’orienter. Au milieu du brouillard, le bien-être des employés reste encore et toujours le meilleur phare.
Bonne rentrée !
Marine Thomas
Rédactrice en chef, Les Affaires
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@marinethomas