Le World Economic Forum réunit, depuis 1971, les dieux de l'économie, de l'industrie, de la finance et de la politique, dans la ville la plus élevée d'Europe. Sympathique hameau touristique de quelques 11 000 habitants, Davos a l'habitude des rassemblements depuis le 13e siècle. Perchée à 1560 m, les nouveaux géants ont succédé aux intellectuels des années 1928-31, les Einstein, Heidegger, Brunschvicg et combien d'autres cerveaux de l'époque qui y trouvaient également inspiration et fraternité.
Réunis sur invitation, on s'y retrouve pour écouter, échanger, parler, réseauter, certains pour se valoriser tout simplement, autour des grandes questions de l'heure qui deviennent parfois, subitement, les nouveaux Grands défis de demain avec lesquels on éblouira les contribuables de chez soi ou d'ailleurs!
DAVOS OU LA GRAND-MESSE DE L'ÉLITE MONDIALE
L'Olympe revisitée, « remake » de ce qu'aurait dû être une véritable Organisation des Nations Unies, le Sommet de Davos est pertinent dans un monde où, pour reprendre l'allusion de Voltaire l'Helvétique, l'horloge est déréglée et où l'on peine à trouver les véritables horlogers...Ainsi, rassemblés autour de thèmes, de « contextes » aussi variés que brillamment présentés sont explorés les tenants et aboutissants qui, de la victoire sur un handicap physique (ref: Andrea Bocelli) à l'annonce sans contredit que la nouvelle économie sera digitale ou ne sera pas, de l'acceptation hautaine des risques éventuels découlant de la volatilité des cours et de la mobilité des capitaux vers des « paradis » hospitaliers et complaisants à la reconnaissance obligatoire des jeunes entrepreneurs, industriels ou sociaux, comme chevilles du progrès et de la nouvelle richesse. Bref, tout y est scruté, discuté, même le dit, le non-dit, voire les intonations et les silences.
Étonnamment, en ces temps incertains, on s'aventure, tout en les juxtaposant, sur les pentes encore récemment interdites de la religion et des nouvelles hégémonies et leurs corrélations potentielles avec le débat insoluble de l'arbitrage entre extrémismes, s'entend l'infime minorité qui accapare la presque totalité de la richesse planétaire et la vaste majorité que la faim et le désespoir assaillent sans relâche. A cet effet, OXFAM a même eu voix pour prononcer son homélie décapante sur les catastrophes à venir si les dérèglements de la richesse devaient se poursuivre...Les solutions viendront bien, sinon la guerre... aux pauvres et aux terrorisme!
LE CODE DAVOS
Les génies de l'opération Davos ont bien compris l'importance de fournir aux leaders mondiaux un argumentaire pour s'illustrer « hors bilan ». Les fiches pour discourir sur les crises, séismes ou toute forme de dérapage éthique, économique, politique et tutti quanti sont digestibles, même pour les plus fortunés d'entre eux, souvent plus préoccupés à vanter l'Autre qui, pour une pitance de 1,25 $ par jour, leur a fourni un service impeccable pour accompagner l'hospitalité, le climat et la gastronomie de cette île en sursis, inscrite depuis 10 ans sur la liste des sites en voie de submersion.
Le Code Davos : séduire tout ce beau monde qui, autrement, se fait des gros yeux, se jalouse, s'épie sans relâche et se réconcilie autour des États majors et des fournisseurs de tout acabit, désormais tous hantés par la sécurité planétaire. « L'ennemi de mon ennemi est mon ami », chuchote-t'on dans les corridors ou sur les balcons enneigés.
LES HÉROS DU JOUR
Le cru 2015 dé partage les récipiendaires de l'admiration, de l'amour et du respect à trois personnalités qu'on affuble du titre de leaders transformationnels, sublime insigne, s'il en est.
Le premier en tête de liste, nous l'aurons deviné, est François Hollande, omniprésent sur toutes les tribunes du « rendre hommage » qui, des vétérans ou soldats morts à l'une des nombreuses guerres du siècle dernier ou de l'actuel. Il aura su, pour son grand soulagement
(et celui des stratèges du PS), devant la désastreuse actualité sociale et économique française, s'élever pour redorer le blason terni d'une France éternelle, auréolée des valeurs universelles dont elle revendique le cliché, à défaut de la réalité. Les récents et impardonnables assauts mortels portés à ces héros de la libre pensée auront fait la gloire du citoyen, du patriote et du désormais Président Hollande.
À Davos, cette année, le mot d'ordre, pas de « French bashing »... officiel. Les pulsions iront pour saluer, de fraternité et de solidarité, le nouveau Prince. Surtout, qu'il a sans hésiter, roucouler la phrase qui l'intronise, ce « J'aime l'entreprise », seule vraie mélodie que la très grande majorité des participants reconnaisse comme chanson thème de leur bal annuel.
Le deuxième héros aura reçu un hommage posthume. L'émotion des Grands en aura fait un quasi-Gandhi, breloques dorées et coiffe royale en sus. Le décès du roi saoudien, Abdallah, lui aura enfin permis d'accueillir une oraison unanime pour son don d'équilibriste, de promoteur des droits de la personne, le féminisme n'étant pas le moindre. Les hommages rendus à cet humaniste et « homme de foi », soudainement hors du commun, lui auront même valu un plaidoyer de la Présidente du Fonds monétaire international(FMI), Madame Lagarde, pour vanter son progressisme et sa détermination à promouvoir les droits des femmes...
Les larmes des Bush, Obama, Cameron, Hollande et consorts et sans doute de plusieurs Djihadistes temporairement orphelins et reconnaissants pour sa légendaire prodigalité à leur endroit, sont autant de bonnes raisons de lui reconnaître une place unique dans l'histoire récente et, vraisemblablement, à venir...
ET LE GRAND GAGNANT EST....
Récompense bien méritée, l'Inde démocratique, l'Inde progressiste, l'Inde portant ombrage à la Chine, aura été la Personnalité du rendez-vous montagnard de 2015.
Égérie porteuse de tous les espoirs planétaires, l'inde aura su imposer son modèle d'affaires et de développement. Pour les nouveaux dirigeants, l'époque n'est plus aux indices de la Burgernomics (Big Mac Index) mais bien plutôt à cette doctrine néolibérale, la Modinomics (du nom de son nouveau premier ministre Narenda Modi) dont les paramètres furent notamment décrits tant de fois sur les grandes tribunes progressistes.
L'Inde, représentée à Davos par son ministre des Finances et une imposante délégation, avait abondamment placardé nombre de murs de son nouveau slogan, ce « Make in India » que les grands argentiers de la planète accréditent désormais comme garantie de réussite.
Enfin, rien ne vaut un acte d'humilité et de contrition pour absoudre les insuffisances législatives, réglementaires et disciplinaires en matière de corruption, de reconnaissance et de protection du droit des travailleurs, de la propriété intellectuelle, de la répartition de la richesse, etc.
Les « Védas » de la modernité et de l'avant-gardisme innovateur de l'inde ravivent le bon vieux fantasme occidental entre l'Éléphant (Inde) et le Dragon (Chine) et rassurent ainsi l'auditoire impatient de nouvelles opportunités et de partenariats.
L'Afrique, on en reparlera éventuellement!
Comme quoi, tout finit bien pour qui parle bien!
p.s. Nombre de participants se sont réjouis de se revoir très prochainement à Ryad lors des cérémonies de couronnement du nouvel et fidèle ami, le Roi Salaman d'Arabie Saoudite!