Le président et fondateur d'Eurasia Group, Ian Bremmer
ANALYSE DU RISQUE. Tensions en mer de Chine méridionale, intervention de la Russie en Ukraine, implosion du Moyen-Orient... Le monde n'a jamais été aussi instable et dangereux depuis la fin de la guerre froide. Or, le manque de leadership et de vision à long terme des États-Unis contribue à le déstabiliser, affirme le spécialiste Ian Bremmer.
Président et fondateur de la firme spécialisé en risque politique Eurasia Group à New York, Ian Bremmer explique dans une entrevue qu'il nous a récemment accordée que la chute du mur de Berlin et la dissolution de l'ex-URSS ont eu deux conséquences majeures sur la politique étrangère américaine.
«Les États-Unis sont devenus plus réticents à prendre des risques, et ils sont devenus plus réactifs à la crise du jour», déplore Ian Bremmer, qui vient de publier un essai sur le rôle des États-Unis sur l'échiquier international, Superpower: Three Choices for America's Role in the World.
Par exemple, selon lui, Washington ne s'est vraiment impliqué dans la lutte au redoutable virus Ebola que lorsque des Américains ont été infectés.
Même chose avec la montée de l'État islamique: les États-Unis ont commencé à prendre cette menace vraiment au sérieux qu'à partir du moment où les djihadistes ont décapité des citoyens américains.
Selon le président d'Eurasia Group, le manque de leadership et de vision à long terme de l'administration Obama incite les autres puissances à contester l'ordre international. Et le meilleur exemple est celui de la Chine.
Depuis plusieurs mois, l'armée chinoise construit des îles artificielles dans la Mer de Chine méridionale. Ce qui inquiète les pays riverains, les États-Unis et leurs alliés dans la région, au premier chef le Japon.
Pékin prétend défendre ses intérêts politiques et économiques en Mer de Chine méridionale, où transite une partie importante du commerce international.
Mais pour Ian Bremmer, les Chinois contestent tout simplement l'ordre géopolitique mis en place par les Américains en Asie-Pacifique après la Deuxième Guerre mondiale.
«La Chine essaie de se présenter aux autres pays de la région comme une alternative aux Américains», dit-il.
La création de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures (BAII), décriée par Washington, mais saluée par le Fonds monétaire international (FMI), s'inscrit aussi dans cette stratégie, affirme l'analyste géopolitique.
La Chine n'est pas la seule à profiter de cette situation pour avancer ses pions.
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