Il y a tout juste un an, j'ai eu l'honneur de recevoir le prix de la Personnalité du secteur des affaires qui incarne le plus la confiance aux yeux des Québécois pour l'année 2015. Alors que je ne cesse de vouloir mettre en lumière des valeurs qui devraient inspirer notre comportement et nos gestes les plus quotidiens, c'est avec un immense plaisir que j'ai accepté de coprésider cette année le Sommet international de la confiance dans les organisations, qui se tiendra les 9 et 10 mai à Montréal. Un sommet qui tombe à point nommé alors qu'aux quatre coins de la planète, les sondages montrent que la confiance est en chute libre depuis une bonne décennie.
Plus préoccupant encore, le Baromètre de la confiance d'Edelman évalue que cette baisse touche essentiellement les pays dits développés et industrialisés : la France, l'Allemagne, l'Australie, le Japon, l'Italie, les États-Unis, la Suède et l'Argentine, entre autres. Dans les pays plongés dans cette crise, on évoque le développement d'une société de méfiance, voire de défiance. Au Canada, la confiance envers nos dirigeants est passée de 37 % à 25 % au cours de la dernière année.
Depuis une vingtaine d'années, les attentats et les manquements éthiques ont beaucoup influencé notre culture et notre perception de la société dans laquelle nous évoluons. Encore récemment, la Commission Charbonneau nous a révélé des stratagèmes de collusion dans lesquels étaient impliqués autant des gens d'affaires et des professionnels que des élus et des fonctionnaires. Si quelques doutes nous habitaient déjà, cet étalage a largement contribué à altérer un climat de confiance qui s'effritait.
Les conséquences humaines de cette situation pourraient être destructrices pour une société qui ne ferait plus confiance à un système économique, politique et social mis en place pour assurer son développement, son épanouissement et sa sécurité. Les répercussions en sont déjà perceptibles, et nous devenons suspicieux dans tous les domaines. J'ai parfois l'impression qu'il est maintenant impossible de prendre la moindre décision sans les conseils judicieux d'un bon avocat. Un comble pour moi, alors que, dans ma culture, une simple poignée de main a valeur de contrat.
Beaucoup d'entre nous pourraient sombrer inconsciemment dans la dangereuse spirale d'un individualisme malvenu. Persuadés qu'ils ne seront jamais mieux servis que par eux-mêmes, certains ont tendance à ne plus faire confiance à l'autre, à ne plus déléguer et à prendre de moins en moins de risques, ou, au contraire, à en prendre d'inconsidérés.
Mais qu'est-ce que la confiance ?
Une fois n'est pas coutume : ce n'est pas la confiance en soi que j'évoque aujourd'hui, mais la confiance envers les autres. Le Petit Larousse nous indique qu'il s'agit du sentiment de quelqu'un qui se fie entièrement à quelqu'un d'autre (ou à quelque chose), ou encore, du sentiment d'assurance et de sécurité qu'inspire au public la stabilité des affaires ou de la situation politique. Un sentiment fait de respect, d'honnêteté, de transparence et d'empathie, mais aussi de la capacité de répondre adéquatement et efficacement à la mission qui nous a été (ou que nous nous sommes) confiée à titre personnel ou professionnel. Parce que le sentiment de confiance se niche partout, un seul manquement à ces valeurs peut nous entraîner dans des dérives autant familiales et professionnelles qu'économiques et politiques.
Le climat de méfiance qu'on voit s'installer pourrait même devenir une menace pour la paix sur notre planète. Un peu partout dans le monde, les écarts entre les plus riches et les plus pauvres se creusent, et des citoyens qui ont le sentiment d'avoir été trahis ou de ne plus être correctement et honnêtement représentés s'expriment de plus en plus par des «votes sanctions»... quand ils ne s'abstiennent pas de voter ! Une tendance qui fait la joie des extrémistes de tous bords et qui fait mentir les sondages.
Malgré ces statistiques d'autant plus préoccupantes qu'elles sont planétaires, je reste confiante. La source de mon optimisme ? Ma propre entreprise, tout simplement parce qu'elle n'existerait pas aujourd'hui sans cette notion de confiance que je me suis efforcée de bâtir pendant des années. Celle de nos clients, de nos partenaires, de nos employés ou encore des banques. Cette confiance qui ne peut être porteuse de réussite qu'à la condition d'être partagée. Et c'est le cas !
On a beau louvoyer pour assouvir ego et ambitions personnelles, tout déficit de confiance nous mènera immanquablement à un mur. C'est une réalité. Le jour où tout le monde en prendra conscience, où certains entrepreneurs le comprendront, où nos politiciens cesseront de faire des promesses électoralistes qu'ils ne tiendront pas, où nous ne ressentirons plus le besoin de faire installer des caméras dans les chambres des CHSLD qui abritent nos aînés, nous serons sur la voie de la guérison.
Biographie
Danièle Henkel a fondé son entreprise en 1997, un an après avoir créé et commercialisé le gant Renaissance, distribué partout dans le monde. Mme Henkel a été plusieurs fois récompensée pour ses qualités de visionnaire et son esprit entrepreneurial. Elle est juge dans la téléréalité à caractère entrepreneurial Dans l'oeil du dragon, diffusée à Radio-Canada.